Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
UN VAISSEAU À LA VOILE.

tôt dans un bassin creusé pour le recevoir, chargé d’inscriptions qui racontaient son glorieux voyage, fut consacré à en perpétuer le souvenir. Ce vaisseau était la preuve physique, irrécusable, palpable, et, pour ainsi dire, vivante de la rotondité de la terre. Magellan avait fait entrer dans le monde extérieur et visible cette même vérité que Colomb avait été chercher dans un autre ordre de choses et d’idées.

Par ce navigateur avaient été unis, liés, rattachés ensemble et le monde découvert par Colomb, et le monde retrouvé par Vasco de Gama ; de sa main puissante il avait sillonné mille chemins l’un à l’autre ; il avait jeté comme un pont sur l’abîme qui les séparait.

Aussi des Anglais, Drack et Thomas Cavendrich ; des Hollandais, Olivier de North, Lemaire et Schonton ; d’autres encore, ne tardèrent pas à suivre la route qu’il venait de leur ouvrir.

Les communications de l’est à l’ouest devinrent de jour en jour plus fréquentes. Aucun moyen n’exista bientôt plus d’assigner aux peuples de l’Europe les limites où devaient se renfermer leurs conquêtes. La fameuse ligne de séparation tracée par le pape, pour livrer le couchant aux Espagnols, l’orient aux Portugais, n’avait pas tardé à être brisée, franchie sur tous les points. Les Espagnols allèrent visiter aux Indes les Portugais, qui, eux-mêmes, les étaient d’abord venus chercher en Amérique : Espagnols, Portugais, Anglais, Français, Hollandais, se trouvèrent mêlés, confondus sur tous les points du globe, enveloppant dans leurs intérêts d’autres nations situées aux extrémités de la terre, et dont elles ne savaient pas les noms peu de jours avant de décider de leur sort. Des phénomènes politiques, étranges et nouveaux, apparurent au monde. Le principe, l’élément de la force et de la prospérité d’un état, purent exister parfois à des milliers de lieues de la contrée qu’occupait cet état. L’or et l’argent du Mexique et du Pérou rendirent l’Espagne le plus riche état du monde. La puissance, la prépondérance maritime de la Hollande, eurent leur source dans ses possessions des Philippines ; quelques milliers de girofliers, de caneliers, de poivriers, situés aux extrémités de terre, furent peut-être les seules causes du salut de la république et de l’humiliation du grand roi. Aujourd’hui encore, la grande puissance de l’Angleterre repose sur ses possessions dans l’Inde. De toutes parts