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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

que cela ; essayez-moi. En effet, il fallait un ministère au seul orateur de cette triste et fatale administration. Depuis la révolution, vous avez vu et apprécié M. Berryer. Ce n’est point un esprit d’affaires, mais un talent facile qui disserte et parle sur tout avec une élégance et une incroyable aptitude, sans blesser personne à droite ou à gauche. M. Berryer ne sera jamais chef de parti, mais il a un don merveilleux de manier les esprits, de les assouplir à sa pensée.

Il faut s’attendre à moins d’effet de la parole de M. Hennequin ; c’est un homme d’affaires, plus avocat, un phrasier de première instance et de cour d’appel, un beau diseur de mur mitoyen et de questions de divorce ; l’homme politique, l’orateur de tribune, se distingue essentiellement de l’avocat dans le parlement ; souvent une grande réputation de barreau est venue échouer à la tribune, et comment en serait-il autrement ! Cette habitude d’envisager toutes les questions sous un point de vue étroit et d’intérêt privé, se concilie difficilement avec cette instruction grave, générale, large, qui embrasse les intérêts sociaux. Ce n’est pas ici un paradoxe ; je pose en fait que sur vingt avocats d’intérêts privés, défenseurs de petites questions, il ne se trouvera pas un orateur de tribune, et que dans vingt orateurs de tribune il ne se trouvera pas un avocat de petites affaires. Ce que je cite n’est pas sans exception ; mais je crois M. Mauguin un très pauvre défenseur de droits successoriaux, de difficultés privées ; et M. Dupin, qui était un bon chicaneur, même en écrivant le Traité des apanages d’Orléans, a-t-il tout-à-fait dépouillé à la tribune cet esprit paradoxal qui va à droite, à gauche, et voit toutes les questions terre à terre, sans élévation de pensées et sans conviction politique ? Je crains donc que M. Hennequin n’échoue à la tribune. C’est un théâtre trop vaste pour sa parole à historiettes et à calembourgs. Pourtant l’esprit se modifie ; peut-être le contact des grandes affaires, des questions générales, lui évitera-t-il une chute toujours pénible à ceux qui sont placés haut dans une opinion.

Dans ce poste avancé des jacobites, le parti compte encore un avocat, jeune député de Marseille : M. de Laboulie. La révolution l’avait trouvé avocat-général à Riom ; il se conduisit avec fermeté et donna sa démission. M. de Laboulie se retira à Aix, où son père était procureur-général, démissionnaire aussi à la révolution. L’un et l’autre avaient quitté les fonctions publiques pour revenir à ce que les anciens appelaient la dignité d’avocat. M. de Laboulie se mêla à toutes les questions royalistes dans le midi. C’est un cœur chaud, un esprit méridional, vif, plein de saillie, auquel l’accent de la Provence donne je ne sais quoi de piquant. Son parti aura à craindre à la tribune cet entraînement de paroles, cette franchise de sentimens, de projets d’avenir, qu’une jeune et imprévoyante