Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
UN VAISSEAU À LA VOILE.

Frères Pinçon, compagnon de Colomb dans son premier voyage, est le premier Castillan qui passe la ligne équinoxiale, il aborde au Brésil. C’est néanmoins un Portugais, Alvarès de Cabral, qui prend définitivement possession de cette vaste contrée, asile futur de la maison de Bragance. D’autres explorateurs se dirigent vers le midi, d’autres veulent continuer à cheminer sur la terre dans la direction qu’a suivie Colomb ; ils s’avancent vers le couchant ; quelques-uns, mais en plus petit nombre, remontent déjà vers le nord : d’autres errent çà et là, et il y a place pour tous ; car cette terre semble s’étendre au gré des insatiables désirs de ceux qui viennent de l’envahir. Sous leurs pas elle se déroule longuement et comme à plaisir, avec ses royaumes du Mexique et du Pérou, avec ses antiques civilisations dont l’histoire devait nous demeurer inconnue, avec ses mines d’or et d’argent, avec sa fécondité qui devait se trouver infatigable ; puis elle apparaît tout à coup non plus seulement comme une île isolée dans la mer des Indes, ou bien une portion des terres orientales, mais comme tout un continent, comme tout un monde. C’est Nunez de Balboa, qui, du haut des montagnes de Panama, découvre le premier ce mystère. Presque au sommet de ces montagnes qu’il a gravies à la tête d’une bande d’aventuriers, comme lui en quête d’or et d’argent, il fait faire halte à sa troupe, s’élance au dernier sommet qui lui cache encore ce qui se trouve de l’autre côté, et de là, seul et palpitant, il contemple à loisir les forêts, les savannes, les plaines immenses, les fleuves majestueux qui se déroulent à ses pieds en un immense tableau, en un gigantesque amphithéâtre, et au-delà l’Océan pacifique apparaissant aux limites de l’horizon dans sa sombre majesté.

Aux rivages opposés à ceux découverts par Balboa, cet Océan voyait en ce même moment d’autres prodiges. Devant les vaisseaux de Gama s’était enfui le génie des tempêtes, laissant un nom de meilleur augure au cap qu’il défendait. L’Orient s’ouvrait comme une arène immense devant les Portugais. Les royaumes de Mozambique, de Mélinde, les côtes de la mer Rouge, celles du golfe Persique ; Ceylan, théâtre des primitives et gigantesques épopées de l’Orient ; ces deux presqu’îles de l’Inde, si renommées dans l’antiquité, école, berceau, patrie de toute poésie, de toute histoire, de toute philosophie ; cette presqu’île de Malaca, dont les peuples