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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

faits, des partis existans et vivaces ; M. Viennet, pas plus que ses amis, n’a tué les républicains ; son bras n’est pas assez fort pour arracher une opinion du cœur et de la tête de jeunes hommes qui sont peut-être une espérance et un pouvoir d’avenir ; M. Viennet ne frappera pas davantage le parti carliste, en pleine possession de la terre, de la grande propriété, de l’influence d’argent, de salon et d’aristocratie. Un gouvernement sage chercherait à vivre avec chacun de ces partis ; un pouvoir de la capacité de M. Viennet se heurte la tête contre des convictions et des intérêts puissans !

Si l’opposition Mauguin, Odilon Barrot, a perdu en nombre, elle a gagné en tactique et en situation parlementaire. Il faut bien le dire, dans le dernier parlement cette opposition, déroutée, battue, ne savait plus sa ligne ; elle balbutiait ses doctrines, demandait grâce pour les objections ; elle ignorait les faits, se jetait souvent en étourdie dans les discussions : une réponse ministérielle la menait en désordre ; les événemens du mois de juin et du 14 avril avaient dépassé ses prévisions ; elle en était aux désaveux, aux protestations, elle se disait continuellement monarchique et dynastique ; elle suppliait qu’on la séparât de ses amis trop ardens dans la chambre même ; elle était à côté des puritains de son parti, des hommes à tête dure, des Voyer-d’Argenson, Audry de Puyraveau ; elle n’osait leur dire en face qu’ils la compromettaient. On ménageait tout, on craignait tout. Aujourd’hui on se groupera mieux autour des chefs connus dévoués ; MM. Laffitte, Odilon Barrot, Mauguin, doivent s’unir dans une communauté de sentimens et d’intérêts, s’ils veulent arriver à un résultat parlementaire, M. Odilon Barrot doit sacrifier quelques-unes de ses ambitions de cour comme M. Mauguin a sacrifié dans la dernière session quelques-unes de ses longues déclamations parlementaires pour mieux se nourrir des faits et des choses. M. Laffitte mérite une première position sans doute ; mais il sait que dans la chambre il n’a pas de parti à lui ; unité honorable et saluée, il ne peut prétendre qu’à un partage d’influence. Il fera sagement de ne vouloir rien au-delà. Du reste, l’opposition de gauche doit bien se tenir, si elle ne veut être éclipsée par cette vive opposition de droite et légitimiste, nouveauté qui arrive dans la chambre et tendra naturellement à acquérir de l’importance. Je la place en première ligne dans cette statistique ; comme elle apporte des projets, des idées, des talens presque tout nouveaux, je m’y arrêterai d’abord. Les autres nuances de la chambre viendront ensuite.