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sonnel afin d’apprécier au juste le caractère et le développement de la session qui va s’ouvrir.

La nouvelle chambre comptera comme la dernière un ministérialisme nuancé par plusieurs espèces.

1o  L’espèce des fonctionnaires publics, assez nombreux, liés au pouvoir par position, inébranlables au vote, et sur lesquels le ministère peut invariablement compter ; 2o  l’espèce des trembleurs, innocentes victimes des terreurs, exploités au moyen de l’émeute, du pillage, de la guillotine et de tant d’autres nouveautés politiques, gens singuliers qui se sont mêlés à des révolutions pour rester immobiles, et qui, au milieu d’une explosion soudaine et forte des sentimens populaires, ne voudraient songer qu’au bien-être de leurs familles, à la sécurité de leurs intérêts, à croiser les bras pour exploiter une position faite. La vie politique est un travail, elle a ses sueurs comme la vie intellectuelle et morale. 3o  L’espèce doctrinaire liée à M. Guizot, et qui cette année s’est un peu manifestée par l’organe de M. Royer-Collard. Il y a ici de l’esprit, de la portée ; une certaine manière de classer les faits, de systématiser les événemens, de sorte qu’elle a maintenant jugé qu’il fallait s’arrêter ; elle craint le mouvement d’une réaction trop forte. Il y a un an qu’elle poussait le ministère dans des voies de violence. Au nouveau parlement elle s’arrêtera ; elle deviendra douce, modérée ; elle se fera une situation à part, tout en soutenant le pouvoir de ses votes.

J’ai dit que le tiers parti verrait heureusement diminuer son importance politique ; il le sait lui-même, car s’il était puissant dans une chambre sans opinions bien dessinées, sans esprit de conduite, il doit s’effacer dans des opinions plus franches, au milieu d’un parlement mieux coloré, plus nettement dessiné en partis, où s’élèveront naturellement des chefs habiles, des conducteurs menant au vote des soldats bien disciplinés. Aussi il faut voir combien les hommes de paroles de cette nuance se sont essoufflés pour se donner de l’importance ! Je ne parle pas seulement de M. Dupin, intriguant partout, sollicitant les votes ministériels pour sa présidence, s’attirant par quelques mots durs ou ingrats contre les ministres, la réputation d’une indépendance salariée ; mais M. Étienne ! M. Viennet ! que vont-ils faire ? quel rôle vont-ils jouer ? Ils en ont un tout trouvé. Ils sentent que leur popularité est finie. Pour réparer cette grande brèche dans leur puissance, on attaquera les carlistes, disent-ils, et comme il faut à M. Viennet des phrases toutes dramatiques, il s’écrie devant qui veut l’entendre : Sur un hécatombe de républicains, nous immolerons le parti légitimiste ! La phrase est sonore sans doute dans la bouche du grand-prêtre ; mais la tâche est plus difficile : on n’efface pas aussi facilement des