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perfectibilité humaine, sans prendre garde à droite et à gauche aux erreurs, aux dangers, aux grandes ruines. Têtes chauves en politique, nos députés de trente ans s’étaient donné la mission de défendre le pouvoir, mot élastique qui signifie, pour les uns, la satisfaction de leur petite vanité, pour les autres une position de monde et de fortune, un sourire de grande dame ou les fonds secrets. Ce sera une partie saillante et curieuse du parlement qui vient de finir que cette petite coterie de l’ordre social, ce club de lamentations et de prophéties sur la décadence de l’autorité ; quand on relira ces belles harangues de MM. Jaubert et Mahul, on ne pourra croire que les jeunes de l’assemblée se soient ainsi posés comme d’inébranlables colosses soutenant la société de leurs larges épaules. C’est encore de l’orgueil doctrinaire ; on avait sauvé la liberté sous la restauration ; on a prétendu sauver le pouvoir sous la révolution. M. Dupin n’a pas épuisé le rôle de sauveur !

Par contre, les effervescences de la liberté, les cris de marche en avant, en dehors de l’ordre constitutionnel et régulier, quel cœur faisaient-ils vibrer dans la chambre ? Était-ce une puissante représentation de jeunesse, de têtes chaudes encore des théories de république ? Le progrès brûlant, indéfini, si l’on excepte M. Garnier-Pagès, avait pour organes dans la chambre des hommes vieillis, fatigués, des figures monumentales, glacés par le temps, affaiblis par les secousses, par les désenchantemens, ne prêtant qu’une énergie factice à cette vie de perfectibilité, voulant imposer à un avenir, tout d’espérance, un passé de fautes, de faiblesses, et surtout de niaiseries politiques.

Ce déplacement de conditions, cette situation d’une vieillesse qui veut courir à des destinées qui ne sont plus pour elle, de cette jeunesse qui veut arrêter la société dans un cercle d’immobilité qu’elle lui a tracé, a jeté sur la chambre qui vient de finir un caractère de nullité et de contradiction, souvent un ridicule ineffaçable ; et puis, ce tiers parti, coterie mesquine, inexplicable sous le régime régulier du parlement. En Angleterre on est pour ou contre un ministère, parce qu’un ministère a un système, qu’il l’annonce et que dès lors chacun peut juger s’il doit s’y associer ou le combattre ; mais que peut être un tiers parti en présence d’un scrutin ? Ne se convertit-il pas toujours en boules blanches ou noires, en majorité ou minorité ?

Il n’y aurait qu’une manière d’expliquer ce tiers parti, et la voici : s’il y avait une coterie qui voulût avoir le profit des places, sans subir l’impopularité du ministérialisme, qui, sachant bien que le pouvoir n’aura pas la force de rompre avec elle, gardât par exemple, dans sa personnification la plus sincère, la double position d’une présidence de chambre à dix mille