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REVUE DES DEUX MONDES.


LES ÉPÉES.


Et moi, Seigneur, si mon tranchant
Était d’or fin, de diamant,
Sur le bronze de ses années

J’effacerais maintes journées,
Afin que son nom, au soleil,
Après toi, luise sans pareil.


CHOEUR.


Marchons plus lentement le pas des funérailles,
Comme fait la pleureuse appuyée aux murailles ;
Nous voilant jusqu’aux pieds du lin d’un plus long vers,
Comme d’un crêpe noir entourons l’univers.

Nous sommes, nous, l’écho de toute voix puissante,
Du bruit de la ruine au fond du bois croulante,
De l’ombre et de l’empire après qu’ils sont passés,
L’écho des longs regrets dans le cœur amassés,
De tout ce qui vous laisse une grande fumée,
De la tombe surtout après qu’elle est fermée.

Ni trompette ou clairon, ni cymballe d’acier,
Dont l’accord, en plein air, en vapeur se disperse,
Ne sont notre vrai nom ; ni casque, ni cimier.
Une invisible main à sa guise nous berce.
Un enfant, en soufflant sur notre faîte altier,
De tout notre édifice efface la mémoire.
Nous sommes ce que l’homme avait nommé la gloire.

Nous sommes, nous, la mer d’harmonie et de bruit,
Qui, comme un vaisseau d’or à trois ponts, dans la nuit,
Sous les cieux résonnans, emporte au loin le monde.
Et toujours dans son flot se baigne, écume et gronde,
Jusqu’à la ville sainte où, pour baiser le bord,
Tout, au pied de son roc, devient silence et mort.