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REVUE DES DEUX MONDES.

Dise : « Il rêve de notre abîme ;
« Allons-nous-en chez nos aïeux. »
Avec mon vieux drapeau d’Arcole,
Jurez-moi, sur votre parole,
De coudre céans mon linceul.
Vous me mettrez dans mon cercueil,
Auprès de moi, pour épitaphe,
Ma bonne épée et son agraffe,
Mes éperons me chausserez,
De mon chapeau me coifferez ;
Pour que plus tôt je ressuscite,
Et que de ma noire guérite,
Si le vieux monde passe là,
Tout le premier je crie : Holà !
C’est tout. Fermez-moi la paupière.

Et, sans lever les yeux de terre,
Trois généraux ont tant pleuré,
Et tant aussi leurs dures armes,
Qu’ils ont fait une mer de larmes ;
Et l’îlot en est entouré.


iii.



Et la nuit a dit aux étoiles,
L’étoile au mât, le mât aux voiles,
La voile au flot, le flot au bord :
Est-il vrai, dites, qu’il est mort ?

Et le bord aussi sur la cime
L’a dit à l’oiseau de l’abîme.
L’oiseau répond : Mon aile d’or
M’a porté sur un roc sauvage ;
En me baissant sous le nuage,
J’ai vu passer quatre chevaux,
Qui, pleurant, par monts et par vaux
Vont chercher une tombe vide,
Pour y jeter loin à l’écart
Leur maître endormi dans le char.