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NAPOLÉON.

Puis à mon cheval la poussière
De mon trône pour sa litière,
Et pour lui peigner sa crinière
De mon naufrage les autans.
Je lègue à mes champs de batailles
Des sillons gras pour les semailles,
De blonds épis dans la saison ;
De plus sa fumée à la gloire,
Son lendemain à la victoire,
À l’espérance son poison,
À la lance son aiguillon.
Au casque je lègue sa rouille,
Au sabre d’acier son fourreau.
Puis à la foudre son carreau,
Puis au triomphe sa dépouille.
À l’écho je donne mon nom,
Et ma fortune à l’aquilon,
Mon étoile au plus haut nuage.
À l’Océan l’altier rivage
De mon esprit qui touche au ciel.
À l’éclair mon sabre immortel,
À la tempête ma colère,
Au flot qui gronde mon écueil,
Au mont sourcilleux mon orgueil,
Et mon royaume au ver de terre ;
De mon manteau s’habilleront
Tous les pompeux rêves de fêtes
Des conquérans et des poètes ;
Sur mon chevet ils dormiront.
Mais à mon fils né dans l’orage,
Je lui laisse avec son berceau
Le meilleur lit dans mon tombeau
À choisir pour son héritage.
Là, quand les bras je croiserai,
Que sur le flanc je m’appuirai
Pour voir s’il est bien dans son gîte,
S’il veille, ou dort, ou se dépite,
Je veux que tout le char des cieux,
Penche et tremble sur ses essieux,
Et que chaque roi de sa cime