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DE L’ABSOLUTISME ET DE LA LIBERTÉ.

chique des anciens temps, il faut augmenter l’horreur des prisons et les tortures du forçat ; il faut créer un enfer sur la terre.

Nous ne pensons pas qu’un pareil système soit destiné désormais à prévaloir dans le monde, et qu’il étouffe au fond des cœurs les doctrines de la liberté. Vous aurez beau abuser de la force, emprisonner, tourmenter, tuer ; ni les gourdins de vos assommeurs, ni les fers de vos geôles, ni le plomb de vos mousquets, n’atteindront les lois éternelles de Dieu et de l’humanité. Vous direz et ferez dire qu’en luttant contre votre despotisme, en réclamant l’affranchissement politique et civil du peuple, en s’occupant d’adoucir ses maux, de soulager ses inexprimables souffrances, d’élever sa condition sociale, on ébranle la base de toute société, on provoque au désordre, on viole les préceptes chrétiens ; il est trop tard, ces moyens sont usés maintenant. On vous demandera ce que c’est donc pour vous que la société, l’ordre, le christianisme. On vous demandera de montrer l’acte de cession que Dieu et le Christ vous ont fait du genre humain. On vous demandera enfin d’expliquer vos propres paroles, car votre langage, nous nous en souvenons, n’a pas été toujours le même, il a varié avec vos intérêts.

Au commencement de la guerre de Russie, en 1812, il y eut des deux côtés des proclamations. Alexandre terminait la sienne par ces mots : « Guerriers ! vous défendez la religion, la patrie et la liberté ! » Dans une proclamation postérieure, appelant aux armes la nation entière, il disait : « Partout où dans cet empire il portera ses pas, il sera assuré de trouver nos sujets natifs riant de sa fourberie, dédaignant sa flatterie et ses mensonges, foulant aux pieds son or avec l’indignation de la vertu offensée, et paralysant, par le sentiment du véritable honneur, ses légions d’esclaves. » Un peu plus tard les princes d’Allemagne adressaient à leurs sujets des paroles semblables. Faisant de la liberté leur cri de guerre, promettant des institutions qui seraient une garantie contre le despotisme, ils exaltèrent au plus haut degré le sentiment patriotique et l’énergie nationale. Dans ce temps-là, les souverains ayant besoin des peuples, parlaient le langage des peuples. Maîtres aujourd’hui et plus absolus que jamais, après avoir trahi leurs promesses, ils maudissent, ils exècrent cette liberté au nom de laquelle ils soulevèrent d’immenses populations, confiantes en leur