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deviennent pires par la lecture des écrits nuisibles et séditieux. Je sais que vous reconnaissez maintenant les désastres produits par la presse, mais on ne voit cependant pas que vous y opposiez une digue solide et suffisante. On veut guérir les empoisonnés et on laisse au poison un libre cours. Mettez la politique d’accord avec la religion, et que l’une et l’autre veillent jour et nuit et soient inexorables envers la peste imprimée qui se propage sous toutes les formes. Sur toutes choses, gardez-vous de cette peste légère qui passe de main en main, et, pour un certain temps au moins, bannissez de vos états presque tous les journaux et gazettes étrangères. La plupart de ces feuilles sont vendues au parti de la révolte, ou le flattent tout au moins, afin d’obtenir plus de débit, et il n’est pas une seule de ces gazettes qui n’introduise quelque once de poison ; en fait de révolution, même les simples récits offrent du danger, lorsqu’ils ne sont pas modifiés par la prudence. Les esprits sont, comme les corps, sujets à la contagion, et l’histoire des scandales est toujours vénéneuse. Détournez les regards de vos sujets de certaines scènes, et persuadez-vous bien que personne n’éprouve l’envie d’imiter ce qu’il ignore. »

Polichinelle. — Que feraient les oisifs, s’ils n’avaient plus de gazettes ?

L’Expérience. — Que faisaient-ils il y a cent cinquante ans, lorsqu’il n’existait pas de gazettes ?

Le Docteur. — Il me semble, ma chère dame, que vous êtes encore trop sévère en cela.

L’Expérience. — Mes amis, quand les enfans sont malades, il faut les tenir à la diète, il vaut mieux les laisser pleurer que de les faire mourir d’indigestion. Tant que durera le choléra de la révolte, la diète de la presse doit être très rigoureuse, et l’on ne doit absolument permettre d’autres feuilles que celles qui servent ouvertement le parti de la justice. Je voudrais dans chaque état une bonne gazette nationale, un bon journal littéraire, dans lesquels, avec la prudence requise, on publierait les nouvelles des pays étrangers et on rendrait compte de leur littérature.

Le Docteur. — Ainsi vous voudriez faire des journaux même un monopole royal ?

L’Expérience. — Si, pour l’avantage des finances, on a établi