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sacrifier au premier signe du Tartare-Dieu : on doit le chérir du fond du cœur, lui obéir, quoi qu’il ordonne, et jamais ne se permettre une plainte même secrète, à l’exemple de Jésus-Christ qui se soumit sans murmurer au jugement de mort prononcé contre lui par l’autorité légitime ! La plume tombe des mains. Il était réservé à cet homme de reculer les bornes du blasphème !

Ce qui rend surtout remarquable l’écrit dont il nous reste à parler[1], c’est que, sous des formes tantôt grossièrement burlesques, tantôt naïvement atroces, il résume avec une fidélité et une franchise que l’on chercherait vainement ailleurs, le système entier de l’absolutisme. Ici, point de réticences, point d’hypocrisies, tout est à nu. On dirait un candide procès-verbal des conseils du pandæmonium. L’auteur, en plus d’un endroit, paraît même s’indigner qu’une politique timide juge quelquefois à propos de voiler, modifier, affaiblir, par des considérations de prudence, les doctrines qui au fond forment sa règle invariable. Pour nous, qui aimons par-dessus tout un langage net, exempt de fausseté, d’ambages et d’équivoques, loin de blâmer le fougueux défenseur du despotisme de son mépris pour ces cauteleux et pusillanimes ménagemens, nous lui savons gré, au contraire, de la sincérité brutale de ses convictions et de ses paroles. Le mot que d’autres retiennent sur leurs lèvres, il le profère à haute et intelligible voix. Cela vaut mieux.

Nous passerons assez rapidement sur les premiers dialogues, pour arriver plus tôt à la conclusion où l’auteur expose l’ensemble des moyens qu’à son avis les princes doivent employer indispensablement, s’ils veulent raffermir leurs trônes ébranlés. C’est la partie la plus curieuse et la plus importante du livre. Toutefois, pour qu’on ait une idée exacte des projets, des vœux, des sentimens et des maximes de ceux dont il est comme le manifeste, il est bon de citer quelques passages d’un dialogue entre l’Europe, la Justice, la France et la Restauration. L’auteur y établit sa théorie du pouvoir ; elle est courte. Dieu a donné les peuples aux rois ; ils leur appartiennent comme votre troupeau vous appartient ; ils sont leur

  1. Dialoghetti sulle materie correnti nell’ anno 1831.