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DE L’ABSOLUTISME ET DE LA LIBERTÉ.

de l’absolutisme. Nous puiserons celles-ci dans des documens d’une incontestable authenticité. Les deux premiers sont des catéchismes publiés par l’ordre exprès de l’empereur de Russie et de l’empereur d’Autriche. Le troisième est un écrit semi-officiel qui produisit, il y a trois ans, une assez vive sensation en Italie, où les gouvernemens prirent soin de le répandre à un grand nombre d’exemplaires. Parlons d’abord des catéchismes.

Sa Majesté Apostolique enseigne dans le sien, aux petits enfans, que les personnes ainsi que les biens de ses sujets lui appartiennent, qu’elle en est le maître absolu et peut en disposer comme il lui semble bon. Cette doctrine, si elle trouve croyance, a au moins l’avantage de simplifier singulièrement l’administration. L’empereur a-t-il besoin d’argent ou de soldats ? il dit à l’un : Donne-moi ta bourse ; à l’autre : Donne-moi tes fils. Tout est à lui, tout, sans exception : c’est là son Évangile, la bonne nouvelle qu’il veut qu’on annonce à ses peuples au nom de Jésus-Christ. Et de peur apparemment que, par mégarde ou mauvais vouloir, quelque imprudent n’altère la pureté de ces maximes dans la chaire chrétienne, en certains lieux, à Milan par exemple, des prêtres seront contraints de soumettre leurs sermons, avant de les prononcer, aux lumières supérieures de la police. Il faut que les esprits soient bien corrompus et les cœurs aussi, pour que les Italiens particulièrement ne bénissent pas un pareil régime ! Lorsque les peuples sont si ingrats envers les souverains, qu’attendre, sinon les vengeances du ciel et la fin de ce monde coupable ?

On vient de voir que l’empereur d’Autriche a une assez haute idée de lui-même et de ses droits. Ce n’est rien cependant près du czar Nicolas. Chef d’une religion étrangère au catholicisme, il a cru néanmoins, tant le zèle de la vérité le dévore ! devoir s’occuper de l’instruction religieuse de ses sujets catholiques ; et dans un catéchisme imprimé à Wilna et enseigné officiellement dans toutes les églises et toutes les écoles, il leur apprend comment ils doivent adorer l’autocrate ; il leur explique avec onction le culte qu’ils sont en conscience obligés de lui rendre. N’est-il pas en effet pour eux, non-seulement l’image, mais encore une incarnation réelle de la Divinité ? À genoux donc ! sa volonté est le souverain ordre, son commandement la loi ! Biens, vie, l’on doit tout prodiguer, tout