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atteint que par une organisation sociale dont le double caractère soit l’exclusion de toute contrainte dans l’ordre spirituel, et de toute intervention du gouvernement dans l’administration des propriétés ou des intérêts particuliers, soit individuels, soit collectifs. À cet égard, le gouvernement, simple exécuteur de la loi faite par tous ou par les délégués de tous, veille seulement à ce que nul, dépassant les bornes de son droit, ne blesse le droit ou la liberté d’autrui.

La liberté spirituelle a pour expression la liberté de religion ou de culte, la liberté d’enseignement, la liberté de la presse et la liberté d’association. Lorsque l’une d’elles n’est pas complète, et surtout la dernière, les autres ne sont qu’un vain nom. Ne demandez pas alors sous quelle forme de société vit le peuple ainsi privé de ses droits naturels ; demandez sous quelle tyrannie.

La liberté des personnes et des propriétés a pour fondement l’élection, coordonnée à un système d’administrations libres dans les limites qu’on vient de fixer. Point de liberté possible en effet sans la responsabilité du pouvoir, et point d’hérédité s’il existe une responsabilité véritable. L’une ne peut être réelle que l’autre ne soit fictive, et réciproquement.

Dans l’hypothèse de l’hérédité, on ne saurait proposer pour remède à ses abus que la maxime supposée admise de l’amissibilité du pouvoir. Mais le pouvoir peut être amissible de deux façons, l’une régulière, l’autre violente, par élection ou par insurrection. Comment hésiter entre ces deux modes ? Et organiser une société, n’est-ce pas précisément établir un ordre de moyens qui, autant que le peuvent les prévisions humaines, la dispensent de recourir, pour sauver ses droits attaqués, au hasard dangereux de l’insurrection ?

Tels sont les principes qu’instinctivement les peuples cherchent à réaliser et qu’ils réaliseront, sans aucun doute, dans un temps plus ou moins prochain ; car un droit connu est un droit conquis. L’homme ne renonce jamais à ce qui lui est une fois apparu comme juste ; il le voudrait qu’il ne le pourrait pas : sa nature s’y oppose, et c’est là cette force morale à qui la victoire reste toujours dans ses luttes contre la force matérielle.

Aux doctrines de la liberté comparons maintenant les doctrines