Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/289

Cette page a été validée par deux contributeurs.
285
DES LÉGISLATIONS COMPARÉES.

après avoir été en Angleterre plus habile qu’ailleurs, elle y médite peut-être aujourd’hui des résistances insensées. En France, Robespierre et Napoléon se sont mal conduits envers elle ; l’un a voulu l’exterminer, l’autre s’est efforcé de la flatter : double erreur. N’ayons pour le passé ni proscriptions ni bassesses. Le siècle n’est-il pas assez fort pour attirer tout à lui par une attraction naturelle ? Qu’il n’attribue plus la supériorité politique et morale à l’antiquité de la race, mais au mérite du présent, au talent, à la vertu, au génie ; et il éprouvera qu’un jour tous les enfans de la France l’estimeront d’assez bonne maison pour le servir avec dévoûment.

viii.

Où commence réellement l’intérêt de l’histoire ? Avec le commencement de l’homme même et de la société. La solidarité de la sociabilité humaine ne comporte pas les morcellemens arbitraires des destinées du genre humain ; et cet héritage est vraiment indivisible. Rien de plus pauvre et de plus stérile que de scinder l’histoire en déclarant que seulement à telle époque, à une ère donnée, ont commencé pour le genre humain la grandeur et la vérité. Les idées sont contemporaines du monde même, et constituent tant par le synchronisme de leur existence que par la succession de leur développement la trame indestructible de l’humanité.

Il est remarquable que les grands mouvemens de l’histoire se produisent sur des points différens presque à la même époque : pendant que Moïse cherche la Palestine, Cécrops tend vers l’Attique, Deucalion s’établit sur le Parnasse, Cadmus arrive de Phénicie à Thèbes, Danaüs aborde à Argos et Dardanus est sur l’Hellespont[1] ; migrations aventureuses et héroïques préparant des nations illustres et sédentaires.

  1. Voyez Cuvier, Discours sur les révolutions de la surface du globe. Il y a dans cet admirable morceau, en ce qui touche l’histoire, un singulier mélange de justesse et de timidité d’esprit. Il n’y a nulle raison, dit Cuvier, pour ne pas attribuer la rédaction de la Genèse à Moïse lui-même. Nous en demandons pardon à ce grand homme, mais il y a pour cela d’excellentes raisons que nous donnerons un jour.