Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.
264
REVUE DES DEUX MONDES.

devenir trois. Le père et la mère sont deux termes qui, par leur pénétration, en posent un troisième destiné à les surpasser. Le but de l’éducation est de rendre l’enfant supérieur à ses parens ; elle se fait ainsi l’ouvrière des progrès du monde.

La famille ne peut exister sans s’appuyer sur des principes qui lui sont proprement étrangers. Le mariage ne peut se passer de la sanction de la religion, et voilà l’intervention de l’unité religieuse : il réclame la protection de l’état, et voilà l’intervention de l’unité politique : le père et la mère n’ont point assez de leurs connaissances pour instruire leur enfant ; l’éducation a besoin de la science dont dispose la société, et voilà l’intervention de l’unité philosophique.

Donc la famille ne saurait être son but à elle-même ; sa loi est de se mettre en rapport avec les sphères supérieures de la religion, de l’état et la science. Il y a vice et douleur dans la société où les familles affectent un égoïsme anarchique.

L’histoire nous montre des familles primitives qui, s’arrêtant dans leurs développemens, n’ont pu se transformer en sociétés puissantes ; tribus errantes, clans sauvages et misérables.

La vie nous enseigne que souvent l’homme a besoin de lutter contre l’inepte égoïsme de la famille pour servir la religion, l’état et la science.

Donc la législation doit définir les rapports de la famille avec ce qui n’est pas elle, faire la part de son indépendance domestique et de sa subordination sociale.

Dans la nature des choses les femmes sont le lien entre la famille et l’état. Elles ressentent profondément les influences sociales : elles reçoivent la vérité avec amour, elles la répandent avec enthousiasme. Prêtresses de Bacchus, elles déchirent Orphée ; elles le couronneraient si elles croyaient en lui. L’unité de Lycurgue les trouve dociles et fanatiques. Dans Athènes, quand Anaxagoras eut commencé à remuer les esprits, elles semblèrent vouloir sortir de leurs gynécées : Aristophane nous montre les femmes parodiant l’assemblée populaire et réclamant une part aux affaires publiques. Le christianisme fut embrassé par elles avec empressement ; elles n’eurent garde de ne pas courir à ce baptême d’amour, de mystère et d’inspiration ; vierges ardentes et pures, néophytes opiniâtres et