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DES LÉGISLATIONS COMPARÉES.

la sociabilité étaient, mais infimes et débiles : la vie pastorale et nomade ne fut possible que par leur développement, et de nouveaux progrès amenèrent la vie agricole.

Comme à cette troisième époque les pensées et les actes de l’homme sont plus sensibles, cette époque commence proprement l’histoire chez tous les peuples, mais l’homme chasseur et l’homme pasteur avaient tous les sentimens et toutes les idées.

Le droit et la religion furent conçus, compris et sentis par l’homme dès ses premiers pas sur la terre, mais grossièrement. Quand l’agriculture eut rendu plus certaine et plus abondante la nourriture du genre humain, cette sécurité de la vie matérielle favorisa l’essor des facultés idéales.

La religion a suivi tous les progrès et toutes les fortunes de l’esprit humain : tantôt, comme chez les Perses, elle n’a pas voulu de temples, d’autels et de simulacres ; elle portait ses sacrifices sur le haut des montagnes, et n’enfermait Dieu que dans la nature : les astres étaient adorés, les grands fleuves étaient révérés[1] ; tantôt, comme en Égypte, la religion s’identifiait avec l’art, avec l’industrie, l’agriculture, la science, la politique, envahissant pour les constituer tout l’homme et toute la société. De cette Égypte qui a nourri le monde par ses croyances et ses idées, comme elle nourrissait les Romains par ses moissons, sortirent Cécrops et Moïse, l’un portant dans l’Attique la notion de Jupiter ὕπατος (hupatos), l’autre entraînant la race d’Heber à la suite de Jéhovah.

Il est une différence fondamentale qui sépare la religion chrétienne des religions antiques : ces dernières sont nées avec la société même et les premiers développemens historiques du genre humain ; au contraire, le christianisme est une idée pure qui s’est développée au milieu des sociétés vieillies et du genre humain constitué. Le christianisme est une conséquence ; la ruine complète de l’antiquité lui donna l’air d’un commencement.

Avec l’unité religieuse, l’homme conçoit l’unité politique de l’état. La conception est absolue, le développement est inégal. Historiquement l’état est sorti de la famille.

Qu’est-ce que la famille ? C’est l’homme qui se fait deux pour

  1. Ἀλλὰ σέϐονται ποταμοὺς μάλιστα. Hérodote, Clio, § 138.