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se racontaient les uns aux autres certaines traditions ; ils ignoraient la monnaie, mais ils connaissaient l’échange ; enfin chez eux la vie morale avait fait des progrès qui en attendaient d’autres. La vie pastorale est un passage naturel à l’état agricole et à l’établissement positif des sociétés. La tradition hébraïque nous présente convenablement la suite de ces développemens successifs, l’âge d’or, les géans, le déluge, Nemrod, la tour de Babel, cette unité précoce, l’état pastoral, l’émigration en Égypte, Moïse. Mais chez certains peuples la vie nomade n’a pas été suivie d’autres progrès et le mouvement s’est arrêté. La Syrie a ses peuples pasteurs et ses tribus errantes que rien n’a pu fixer : sur ces Arabes amans du désert, et qui le parcourent sur le dos de leur chameau, cette maison mobile, la parole de Mahomet est tombée en vain ; ils ne veulent pas enfermer Dieu dans la mosquée de la Mecque, et ils s’opiniâtrent à la liberté sauvage. Mais en repoussant Mahomet, l’Arabe du désert a repoussé l’avenir, l’intelligence et la gloire ; il s’est condamné à n’être rien dans la vie de l’humanité ; il devait suivre le prophète, car il faut toujours suivre les idées.

La terre se préparait à prendre dans les destinées de l’homme le rôle important que lui assignait la nature des choses, et cette mère du genre humain provoquait ses enfans à la déchirer pour devenir mieux féconde. L’homme se détermina à la culture du théâtre immobile qu’il foulait aux pieds, il se fit en même temps sédentaire et laborieux, et il doubla sa puissance en lui donnant une application dure et persévérante.

Avec l’agriculture se développèrent abondamment toutes les notions de l’ordre moral et juridique ; la famille put s’asseoir sur le sol, et se préciser dans ses rapports ; le mariage devint plus affectueux et plus sacré, les enfans plus obéissans et plus tendres ; les représentations que l’homme se faisait de la Divinité, tant dans la vie chasseresse que dans la vie pastorale, devinrent plus positives et plus pures ; enfin l’activité de l’homme s’appesantissant sur la terre et la pénétrant comme un soc tranchant, éprouva avec une force jusqu’alors sans exemple le sentiment de la propriété et en conçut le droit.

C’est ici qu’il faut considérer le langage des traditions humaines : elles s’accordent toutes à attribuer à l’agriculture la création de la