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en France, et dont je ne crois pas qu’aucun ouvrage ait été traduit, a publié pendant ces dernières années, trois volumes, intitulés : Conversations imaginaires. Il met en scène, à l’exemple de Fontenelle, mais avec plus de gravité, et souvent avec éloquence, des personnages célèbres qui expriment leurs opinions sur les grands événemens de l’histoire, sur les progrès de la société, etc., etc. On vient de publier un ouvrage du même genre, sous le titre de : Hampden au xixe siècle. C’est une revue complète de la plupart des écrivains et des hommes politiques du siècle : œuvre d’un homme qui a beaucoup vu et beaucoup pensé.

La littérature de l’art a fait la conquête d’un bon ouvrage, et vous savez qu’en ce genre les bons ouvrages sont rares. Les Leçons de M. Phillips, dernier professeur de peinture de l’académie royale, sur l’histoire et les principes de cet art, méritent les plus grands éloges. L’ame du poète et le talent de l’artiste ont présidé à cette œuvre consciencieuse. Les premières leçons embrassent l’histoire de l’art ; les autres donnent les règles de la composition, de l’invention, du coloris et du dessin. M. Phillips a beaucoup voyagé, et voyagé avec fruit. Ses souvenirs d’Italie et de Flandres, ses descriptions brillantes des chefs-d’œuvre que ces contrées ont offerts à son admiration, ajoutent beaucoup à l’originalité et à l’intérêt de son œuvre.

Notre art dramatique se trouve toujours dans la même situation de décadence et de décrépitude que vous savez. Nous vivons sur les pièces françaises. Votre Bertrand et Raton, assez habilement adapté à notre scène, n’a eu qu’un demi-succès. La comédie, quand elle n’est pas nationale, ne frappe pas les intelligences populaires, et ces vives et piquantes allusions politiques dont le spectateur parisien est charmé, n’arrivent pas jusqu’aux intelligences obtuses de nos classes moyennes. Quant à la Révolte au Sérail, elle a été un désappointement pour nous, et nous n’avons pas compris tout le fracas avec lequel cette pièce a été annoncée et accueillie chez vous. Nos femmes y ont trouvé trop de nudités, et nos gentilshommes pas assez. D’ailleurs Mlle Taglioni n’était pas là pour autoriser l’enthousiasme. M. Jerrold, auteur dramatique assez connu, vient d’obtenir un succès. Sa Robe de noces a fait courir toute la ville de Londres. C’est une comédie intime assez intéressante où les jeunes personnes vont chercher l’espérance et l’instruction, les femmes des souvenirs, et les maris des regrets. Le théâtre de Vittoria s’est enrichi d’un ouvrage de Sheridan Knowles, notre meilleur auteur dramatique ; je vous en rendrai compte plus tard.

Quant à la poésie, elle n’a rien produit de remarquable, si ce n’est le Jugement du déluge, poème miltonique d’une grande originalité, d’un style harmonieux et énergique, et Philip van Artevelde, poème dramatique de M. Henri Taylor, qui a paru tout récemment avec assez d’éclat.