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REVUE. — CHRONIQUE.

Athanase continua, mais le baron avait cessé d’exister avant que son domestique fût allé au-delà du Fa Dieze.

Qui avait appris cependant cet air à Athanase ? c’était la Blanche même de son maître, dont il avait long-temps aussi dédaigné l’amour et qu’il consent à épouser, maintenant qu’elle est enrichie par le testament du baron.

De tout cela l’auteur tire cette conclusion, qu’au fond de nos peines et de nos joies même les plus intimes, il n’y a rien.

Je regrette vraiment que M. Alphonse Karr ait placé là cette moralité que je ne comprends point peut-être, mais qui n’a, ce me semble, rien de commun avec son livre. Je sais bien que ce livre n’est qu’une de ces débauches d’imagination où la critique est mal venue à demander compte à l’auteur de son caprice. Mais on a beau mettre dans ces fantaisies tout l’esprit que M. Alphonse Karr a mis dans la sienne, il ne messied pas d’y laisser quelque raison. Une idée grave planait d’ailleurs d’elle-même sur tout ce roman si léger, et c’était bien par elle qu’il eût convenu de le résumer.

C’est une maladie fréquente de nos jours, que cet ennui qui tue le baron Conrad, mais elle n’atteint guère que ceux qui, jeunes, ont comme lui vendu leur ame aux mauvaises passions ; pour ceux-là, en effet, l’âge une fois venu, il n’y a plus rien dans la vie ! Mais qu’ils n’accusent qu’eux seuls du néant où ils sont tombés ! Nul ne les a poussés dans cet abîme ; ils s’y sont bien précipités d’eux-mêmes. Puisque M. Alphonse Karr pensait que son ouvrage, si frivole qu’il fût, pouvait offrir quelque enseignement, n’était-ce donc point cette pensée morale qu’il en devait tout naturellement dégager ?

Et puis, il faut bien le dire aussi, trop de précipitation se trahit dans l’exécution de ce roman. On voit que l’auteur en a laissé tomber insoucieusement de sa plume les divers chapitres comme d’indifférens articles de journaux qu’il eût écrits sans les relire. C’est cependant en ces œuvres légères que la forme et les détails demandent, selon nous, le plus de précision et de fini.

Mais M. Alphonse Karr a fait un épilogue pour nous déclarer qu’au mois d’avril, bien que l’esprit soit peu porté au travail, il a voulu nous raconter le Fa dieze avant de nous donner un autre récit auquel il attache plus d’importance.

Assurément, nous lui savons gré d’avoir pris ainsi sur son printemps, à l’intention de nos plaisirs ; mais, non moins patiens que désintéressés, pour peu que le Fa dieze y eût dû gagner ce qui lui manque, nous l’eussions attendu volontiers, comme l’autre récit, quelques mois de plus.