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REVUE. — CHRONIQUE.

femme est un ancien sous-officier, nommé Sporon. Il paraît qu’une de nos trois polices l’avait employé dernièrement comme agent provocateur et meneur principal dans une affaire de conspiration qu’on arrangeait alors. Il s’agissait d’entraîner quelques pauvres diables à tenter une entreprise d’assassinat à Neuilly, qu’on eût exploitée comme on exploite toutes choses. Sporon, surveillé lui-même, se serait laissé dominer, dit-on, par ceux qu’il avait été chargé d’entraîner ; on l’arrêta à temps, et comme la mission qu’il avait acceptée le mettait dans une situation exceptionnelle, on l’obligea de signer l’engagement de se rendre au Sénégal. Il consentit à tout, et demanda seulement comme une faveur d’emmener avec lui sa femme. C’est elle qui a fait à Brest, au moment de s’embarquer, cette belle résistance dont il a été question dans les journaux. Cette affaire de basse police est, on le voit, à la hauteur de toutes les autres.

On parle aussi, parmi les gens bien informés, de l’affaire du réfugié italien Narzini, qui appartenait à l’association de la Jeune Italie, et que l’Autriche réclame avec une grande persévérance. Le cabinet anglais s’est complètement refusé aux recherches qu’on a exigées de lui, mais il n’en a pas été ainsi de notre ministère. On dit qu’après s’être assuré que Narzini n’était pas en France, il a fait mander à M. de Rumigny d’aider M. de Bombelles dans tous ses efforts pour le trouver en Suisse. C’est sans doute un petit dédommagement que notre ministère accorde à l’Autriche pour la calmer sur la quadruple alliance.

Dans notre prochaine livraison, nous donnerons de nouveaux détails sur les hommes de la chambre qui va s’assembler.


Fa Dièze, par M. Alphonse Karr[1]. — Le baron Conrad Krumpholtz avait trente ans et paraissait bien en avoir cinquante, non que sa vie eût été en proie à de violentes secousses, mais il s’était ennuyé beaucoup, et c’était bien sa faute. Né pauvre, il avait voulu être riche et diplomate. Or les richesses et les ambassades ne sont pas choses que l’on acquiert impunément. Le baron avait obtenu les unes et les autres, mais en revanche il avait perdu la faculté de sentir. Son cœur s’était desséché à la poursuite de ses ambitions. Il n’avait plus d’âme !

Le baron végétait ainsi avec un semblant d’existence. Un jour que, plongé en l’un de ses plus sombres découragemens, il feuilletait le journal de sa jeunesse de dix-huit ans, il y tomba sur les pages où il s’était naïvement raconté lui-même l’histoire de sa première passion. Il revit au loin dans le passé Blanche, une douce et pure jeune fille qu’il avait aimée

  1. Un vol.  in-8o, chez Ledoux, 97, rue de Richelieu.