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sister. Vous jugerez, d’après ce portrait fidèle, si de pareils hommes, entre les mains d’officiers dévoués, ne sont pas les meilleurs instrumens d’un despote, comme ils seraient aussi les citoyens les plus paisibles et les plus faciles à gouverner, sous un chef fidèle exécuteur des lois de son pays. Ce n’est donc pas sur la population que doit peser la responsabilité de toutes ces révolutions qui nous agitent ; des généraux sans gloire comme sans morale sont les uniques auteurs des désordres du pays, et, par un hasard étrange, les partisans les plus chauds, les plus ardens avocats, les plus fougueux prédicans du despotisme militaire, sont des Espagnols libéraux, d’anciens membres des Cortès, des employés du régime constitutionnel, qui, renonçant en Amérique à leur foi politique, donnent à penser que le libéralisme, en Espagne, est encore une opinion de circonstance plutôt qu’une conviction profonde, tel qu’il commence à se propager parmi nous.

Nous autres étrangers, nous sommes au milieu de tout ceci dans la position la plus fausse et la plus fâcheuse : les deux partis en ce moment aux prises ne nous pardonneront pas, l’un de l’avoir attaqué, l’autre de l’avoir défendu. Si le premier triomphe, nous avons mille vexations à craindre de sa part, sans compter les vengeances privées. Si c’est le second, ces services qu’on exalte aujourd’hui seront oubliés demain, et la jalousie invincible qui anime les habitans contre nous, reprendra sa violence accoutumée. Ceux d’entre nous, et le nombre en est bien petit, qui, ayant acquis quelque aisance à force de travail et d’industrie, entrevoyaient le moment de revoir leur patrie, ne savent plus aujourd’hui quand ils pourront partir.

Lima, 8 mars 1834.
L. A.