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DERNIÈRE RÉVOLUTION DU PÉROU.

Je reviens à Gamarra. Tous les actes ostensibles et secrets de son administration mettaient de plus en plus en évidence ses projets ambitieux. L’époque de l’expiration de son pouvoir approchait ; mais avant d’employer la violence, il crut devoir recourir aux formes légales pour se maintenir en place. Une première tentative de séduction sur les colléges électoraux ayant échoué, quoique tous les moyens imaginables eussent été mis enjeu, il feignit tout à coup d’être las de la présidence, et fit mettre en avant par ses journaux le général Bermudez comme le seul homme capable de lui succéder. Cette manœuvre trompa d’abord quelques esprits peu clairvoyans ; mais on apprit bientôt que ce général, satisfait du vain titre de président, s’engageait à abandonner à son patron le commandement de toute l’armée, c’est-à-dire en réalité le pouvoir tel que l’avait exercé Bolivar pendant son séjour au Pérou. Bermudez, qui jusque-là avait été assez bien vu du public, devint sur-le-champ aussi impopulaire que Gamarra. Tous deux néanmoins, trompés par leurs flatteurs, parurent ne pas douter du succès de leurs projets, et attendirent, sans commettre de violences, la réunion de la convention, qui eut lieu au mois de décembre de l’année dernière.

Plusieurs des membres de cette assemblée ayant à leur tête M. Luna-Pizarro, qui la présidait et était en même temps le chef de l’opposition, ayant montré des sentimens d’indépendance, Gamarra alarmé crut d’abord prudent de restreindre ses attributions au pouvoir de réviser la constitution, ce qui lui permettait de rejeter toute nomination contraire à ses intérêts ; mais auparavant il sonda le terrain. Les députés, de leur côté, dissimulèrent et promirent tout ce qu’il voulut, en ayant soin d’informer M. Luna-Pizarro des manœuvres dont ils étaient l’objet. Gamarra, trompé par ces promesses mensongères, crut la majorité assurée à Bermudez. Par une dépêche officielle, il reconnut à la convention le droit de lui désigner un successeur, et l’invita à procéder à cette nomination. Tout se passa avec ordre et dignité ; l’assemblée s’entoura de toutes les formes légales, afin d’enlever jusqu’au moindre prétexte à la malveillance, et le 20 décembre, le général Obregoso fut élu à une majorité considérable.

Se voyant ainsi joués, Gamarra et ses amis devinrent furieux :