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En même temps que ces dispositions s’exécutaient pour couper la retraite au fugitif, le roi Hilperik, probablement avec l’aveu des seigneurs d’Austrasie, passa la frontière en armes, et fouilla tout le territoire où il était possible que Merowig se tînt caché. Traqué comme une bête fauve que des chasseurs poursuivent, le jeune homme réussit pourtant à échapper aux recherches de son père, grâce à la commisération des gens de bas étage, Franks ou Romains d’origine, à qui seuls il pouvait se confier. Après avoir inutilement battu le pays et fait une promenade militaire le long des forêts des Ardennes, Hilperik rentra dans son royaume, sans que la troupe qu’il conduisait à cette expédition de maréchaussée eût commis contre les habitans aucun acte d’hostilité[1].

Pendant que Merowig se voyait réduit à mener la vie de proscrit et de vagabond, son ancien compagnon de fortune, Gonthramn-Bose, revenant de Poitiers, arriva en Austrasie. Il était, dans ce royaume, le seul homme de quelque importance dont le fils de Hilperik pût réclamer le secours ; et sans doute il ne tarda pas à connaître la retraite et tous les secrets du malheureux fugitif. Une fortune si complètement désespérée n’offrait à Gonthramn que deux perspectives entre lesquelles il n’avait pas coutume d’hésiter : un dévouement onéreux et les profits d’une trahison ; ce fut pour la trahison qu’il se décida. Telle fut du moins l’opinion générale ; car, selon son habitude, il évita de se compromettre ouvertement, travaillant sous main, et jouant un rôle assez équivoque pour qu’il lui fût possible de nier avec assurance, si le complot ne réussissait pas. La reine Fredegonde, qui ne manquait jamais d’agir pour son compte, dès qu’il arrivait, ce qui n’était pas rare, que l’habileté de son mari fût en défaut, voyant le peu de succès de la chasse donnée à Merowig, résolut de recourir à d’autres moyens moins bruyans, mais plus infaillibles. Elle communiqua son projet à Ægidius, évêque de Reims, qui était avec elle en relation d’amitié et d’intrigues politiques ; et par l’entremise de ce dernier, Gonthramn-Bose reçut encore une fois de brillantes

  1. Pater verò ejus exercitum contra Campanenses commovit, putans eum ibidem occultari : sed nihil nocuit, nec eum potuit reperire. Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 241.