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que la conquête avait créée, s’offraient en foule pour servir d’escorte jusqu’au terme du voyage. Leur nombre s’éleva bientôt à plus de cinq cents. Avec une pareille force, l’évasion était facile et l’arrivée en Austrasie extrêmement probable. Gonthramn-Bose jugea qu’il n’y avait plus de motif pour différer davantage, et se gardant bien, malgré son serment, de faire donner au roi le moindre avis, il dit à Merowig qu’il fallait songer au départ. Merowig, faible et irrésolu, lorsque la passion ne le soulevait pas, sur le point de risquer cette grande aventure, fléchit et retomba de nouveau dans ses anxiétés. « Mais, lui dit Gonthramn, est-ce que nous n’avons pas pour nous les prédictions de la devineresse ? » Le jeune prince ne fut pas rassuré, et, pour faire diversion à ses tristes pressentimens, il voulut chercher à une meilleure source des informations sur l’avenir[1].

Il y avait alors un procédé de divination religieuse prohibé par les conciles, mais pratiqué en Gaule, malgré cette défense, par les hommes les plus sages et les plus éclairés ; Merowig s’avisa d’y recourir. Il se rendit à la chapelle où était le tombeau de saint Martin, et posa sur le sépulcre trois des livres saints : celui des Rois, le Psautier et les Évangiles. Durant toute une nuit, il pria Dieu et le saint confesseur de lui faire connaître ce qui allait arriver, et s’il devait espérer ou non d’obtenir le royaume de son père[2]. Ensuite il jeûna trois jours entiers ; et le quatrième, revenant près du tombeau, il ouvrit les trois volumes l’un après l’autre. D’abord ce fut le livre des Rois qu’il avait surtout hâte d’interroger. Il tomba sur une page en tête de laquelle se trouvait le verset suivant : « Parce que vous avez abandonné le Seigneur votre Dieu pour suivre des dieux étrangers, le Seigneur vous a livrés aux mains de vos ennemis. » En ouvrant le livre des Psaumes, il rencontra ce passage : « Tu les as renversés au moment où ils s’élevaient. Oh ! comment

  1. Merovechus verò non credens Pythonissæ… Greg. Turon. hist., lib. v, pag. 241.
  2. Tres libres super Sancti sepulchrum posuit, id est, psalterii, regum, evangeliorum : et vigilans totâ nocte, petiit ut sibi beatus confessor quid eveniret ostenderet, et utrùm possit regnum accipere, an non, ut Domino indicante cognosceret. Greg. Turon. hist., ibid.