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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

En apprenant la nouvelle de ces préparatifs, Merowig fut saisi d’une terreur dont l’expression se colorait d’un certain sentiment religieux. « À Dieu ne plaise, s’écria-t-il, que la sainte basilique de mon seigneur Martin subisse aucune violence, ou que son pays soit désolé à cause de moi ! » Il voulait partir sur-le-champ avec Gonthramn-Bose et tacher de gagner l’Austrasie, où il se flattait de trouver auprès de Brunehilde un asile sûr, du repos, des richesses et toutes les jouissances du pouvoir ; mais rien n’était prêt pour ce long voyage : ils n’avaient encore ni assez d’hommes autour d’eux, ni assez de relations au dehors. L’avis de Gonthramn fut qu’il fallait attendre et ne pas se jeter par crainte du péril dans un péril beaucoup plus grand[1]. Incapable de rien tenter sans le concours de son nouvel ami, le jeune prince cherchait un remède à ses anxiétés dans des actes de dévotion fervente qui ne lui étaient pas ordinaires. Il résolut de passer tout une nuit en prières dans le sanctuaire de la basilique, et faisant apporter avec lui ses effets les plus précieux, il les déposa comme offrande sur le tombeau de saint Martin ; puis, s’agenouillant près du sépulcre, il pria le saint de venir à son secours, de lui accorder ses bonnes grâces, de faire que la liberté lui fût promptement rendue et qu’un jour il devînt roi[2].

Ces deux souhaits, pour Merowig, n’allaient guère l’un sans l’autre, et le dernier, à ce qu’il semble, jouait un assez grand rôle dans ses conversations avec Gonthramn-Bose et dans les projets qu’ils faisaient en commun. Gonthramn, plein de confiance dans les ressources de son esprit, invoquait rarement l’appui des saints ;

    de basilicâ, sin autem, totam regionem illam igni succindam. » Cùmque nos rescripsissemus, impossibile esse quod temporibus hæreticorum non fuerat, Christianorum nunc temporibus fieri, ipse exercitum commovet. Greg. Turon. hist., lib. v, pag. 239.

  1. Cùm videret Merovechus patrem suum in hâc deliberatione intentum, adsumto secum Guntchramno duce ad Brunichildem pergere cogitat, dicens : « Absit ut propter meam personam basilica Domini Martini violentiam perferat, aut regio ejus per me captivitati subdatur. » Greg. Turon. hist., lib. v, pag. 240.
  2. Et ingressus basilicam, dùm vigilias ageret, res quas secum habebat, ad sepulchrum beati Martini exhibuit, orans ut sibi sanctus succureret, atque ei concederet gratiam suam, ut regnum accipere posset. Greg. Turon. ibid., pag. 241.