Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/157

Cette page a été validée par deux contributeurs.
153
NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

lier et les armes qu’il avait sur lui, Merowig ne pouvait, sans passer par l’épreuve d’un jugement canonique, être admis ni à la communion du pain et du vin consacrés, ni même à celle du pain simplement béni, qui était comme une figure de l’autre. C’est ce que répondit l’évêque Grégoire avec son calme et sa dignité ordinaires. Mais sa parole à la fois grave et douce ne réussit qu’à augmenter l’emportement du jeune homme, qui, perdant toute mesure et tout respect pour la sainteté du lieu, s’écria : « Tu n’as pas le pouvoir de me suspendre de la communion chrétienne sans l’aveu de tes frères les évêques, et si, de ton autorité privée, tu me retranches de ta communion, je me conduirai en excommunié et je tuerai quelqu’un ici[1]. » Ces mots, prononcés d’un ton farouche, épouvantèrent l’auditoire et firent sur l’évêque une impression de tristesse profonde. Craignant de pousser à bout la frénésie de ce jeune barbare et d’amener ainsi de grands malheurs, il céda par nécessité ; et après avoir, pour sauver au moins les formes légales, délibéré quelque temps avec son collègue de Paris, il fit donner à Merowig les eulogies qu’il réclamait[2].

Dès que le fils de Hilperik, avec Gailen son frère d’armes, ses jeunes compagnons et de nombreux serviteurs, eut pris un logement dans le parvis de la basilique de Saint-Martin, l’évêque de Tours se hâta de remplir certaines formalités qu’exigeait la loi romaine, et dont la principale consistait pour lui à déclarer au magistrat compétent et à la partie civile l’arrivée de chaque nouveau réfugié[3]. Dans la cause présente, il n’y avait d’autre juge et d’autre partie intéressée que le roi Hilperik. C’était donc à lui que la déclaration devait être faite, quelle que fût d’ailleurs la nécessité d’adoucir par

  1. Quod cùm refutaremus, ipse clamare cœpit et dicere, quòd non rectè eum à communione sine fratrum conniventiâ suspenderemus… Minabatur enim aliquos de populo nostro interficere, si communionem nostram non meruisset. Greg. Turon. hist., lib. v, pag. 239.
  2. Illo autem hæc dicente, cum consensu fratris qui præsens erat, contestatâ causâ cauonicâ, eulogias à nobis accepit. Veritus autem sum, ne dùm unum à communione suspendebam, in multos existerem homicida. Greg. Turon. hist, ibid.
  3. Loi de l’empereur Léon pour les asiles (466). — Voy. histoire ecclésiastique de Fleury, tome vi, pag. 562