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rains. Voyant l’armée neustrienne totalement détruite, Mummolus retourna en arrière, soit que telles fussent ses instructions, soit qu’il crût avoir assez fait[1]. Quoique victorieux, il conçut une grande estime pour l’habileté de l’homme qui venait de se mesurer avec lui ; et plus tard cette opinion servit à les réunir tous deux dans une entreprise qui ne tendait à rien moins qu’à fonder un royaume gaulois. Desiderius se retrouva en peu de temps à la tête d’une nouvelle armée, et aidé par la sympathie de race et par son crédit personnel sur l’esprit des Gallo-Romains, il reprit ses opérations militaires avec un succès que rien ne vint plus interrompre. Cinq ans après, d’Agen à Poitiers et d’Alby à Limoges, toutes les villes appartenaient au roi de Neustrie ; et le Romain, auteur de cette conquête, installé dans Toulouse, l’ancienne capitale des Visigoths, exerçait, avec le titre de duc, une sorte de vice-royauté[2].

Merowig avait déjà passé plusieurs mois dans un état de demi-captivité, lorsque son arrêt fut prononcé par le tribunal domestique où la voix de sa belle-mère Fredegonde était la voix prépondérante. Cet arrêt sans appel le condamnait à perdre sa chevelure, c’est-à-dire à se voir retranché de la famille des Merowings. En effet, d’après une coutume antique et probablement rattachée autrefois à quelque institution religieuse, l’attribut particulier de cette famille et le symbole de son droit héréditaire à la dignité royale étaient une longue chevelure conservée intacte depuis l’instant de la naissance et que les ciseaux ne devaient jamais toucher. Les descendans du vieux Merowig se distinguaient par là entre tous les Franks ; sous le costume le plus vulgaire, on pouvait toujours les reconnaître à leurs cheveux, qui tantôt serrés en natte, tantôt flottant en liberté, couvraient les épaules et descendaient jusqu’au milieu des reins[3]. Retrancher la moindre partie de cet ornement,

  1. In quo prælio cecidêre de exercitu ejus quinque millia ; de Desiderii verò vigenti quatuor millia. Ipse quoque Desiderius fugiens vix evasit. Mummolus verò particius per Arvernum rediit. Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 239.
  2. Vid. Greg. Turon. Hist., pag. 281, 282, 296, 303, etc.
  3. Solemne enim est Francorum regibus nunquam tonderi : sed à pueris intonsi manent : cæsaries tota decenter eis in humeros propendet : anterior coma è fronte discrimata in utrumque latus deflexa… Idque velut insigne quoddam eximiaque