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REVUE. — CHRONIQUE.

envers le Masque de Fer. Or, comme ce n’est pas sous ce rapport qu’il est permis au gouvernement actuel de se rapprocher de la glorieuse monarchie du grand roi, le ministère fera bien d’éclaircir cette affaire devant le public, avant que ces conjectures prennent plus de consistance.

Les élections nous ont éloignés pendant quelque temps des théâtres, mais non pas le public, qui se porte avec empressement à l’extrémité des boulevards, pour voir le fameux acteur Frédérick, dans la Robert Macaire, comédie d’une bouffonnerie et d’une verve sans exemple. On court aussi au théâtre des Variétés, où un mauvais vaudeville, composé par vingt ou trente auteurs, et intitulé Tour de Babel, attire la foule. C’est que dans ce mauvais vaudeville se trouve une joyeuse parodie où le Constitutionnel est mis en scène avec ses nombreux désabonnés. Cette plaisante satire contre le Constitutionnel a été jugée très diversement ; les uns en rient, les autres la blâment et en rient aussi ; quant à nous, cette attaque nous semble dans le droit commun. Le Constitutionnel a de nombreuses plumes et de longues colonnes pour se défendre. Qu’il oppose le bon sens à l’esprit, le talent à l’ironie, et le public, qui est excellent juge, lui donnera gain de cause ; mais il paraît que le Constitutionnel est en pénurie de ces moyens-là, car il a préféré les moyens de police et de censure qu’il avait déjà employés sous Charles x, quand il adressa une pétition à ce monarque si lettré pour le supplier de sévir contre le romantisme. Le vieux roi de France se montra plus spirituel que le vieux monarque des journaux ; de ces deux caducités ce fut la moins arriérée, la moins absolue, la moins entichée des vieilles choses. Charles x répondit qu’en fait de littérature dramatique il n’avait que sa place au parterre, et le Constitutionnel fut réduit à accepter le fâcheux régime de liberté qui depuis quinze ans donnait trente mille livres de rentes à chacun de ses actionnaires. Cette fois, le Constitutionnel s’est montré plus avisé, il s’est dit avec raison que la liberté était bien plus facile à comprimer aujourd’hui que sous Charles x, et il est venu trouver M. Thiers, qui est de trop haute naissance pour se contenter d’une simple place au parterre. Le directeur des Variétés a été mandé près du ministre et rudement admonesté. On lui a dit en propres termes qu’on n’était pas victorieux dans les élections pour se laisser baffouer soi et ses amis les constitutionnels, et on lui a intimé l’ordre de châtrer la scène en question, sous peine de voir fermer son théâtre. Charles x n’en eût pas fait autant. Il est vrai que Charles x, le despote, n’était pas un ancien rédacteur du Constitutionnel.

— Notre prochaine chronique renfermera une revue d’un grand nombre de livres nouveaux dont le défaut d’espace a retardé l’examen.