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jet aux autorités. À Saint-Cyr, on n’a pas trouvé traces d’embauchage, dit-on ; dix-neuf malheureux jeunes gens de cette école, détenus quelque temps à l’Abbaye, ont été envoyés comme soldats dans les régimens de ligne, mesure qui ne servira qu’à les aigrir et à répandre de nouveaux fermens dans l’armée, tandis qu’une conduite paternelle bien permise, et toute tracée à l’égard de ces enfans, les eût ramenés à coup sûr. Le véritable embauchage à l’insoumission, celui qui s’exerce chaque jour ouvertement, et dans l’armée et dans le peuple, c’est le pouvoir qui le pratique par ses actes toujours malheureux et révoltans, soit qu’il se livre à la rigueur ou à de lâches faiblesses.

L’arrivée de don Carlos en Angleterre, le départ de don Miguel, et la publication du traité de la quadruple alliance, ont beaucoup ému la vieille diplomatie. On a surtout blâmé le mot chassé, introduit pour la première fois dans le langage diplomatique, qui paraît destiné à subir la même révolution que le langage poétique, et à nommer désormais les choses par leur nom. Ce traité, auquel on se plaît à attribuer peu d’importance, en a une réelle, et ses résultats sont déjà fort grands pour le Portugal et pour l’Espagne, qu’il a débarrassés de deux prétendans. Il paraît que don Pedro, qui n’a pas perdu un seul instant de vue le trône du Brésil, et qui songe plus que jamais à y remonter depuis qu’il a reconnu combien sa situation personnelle est précaire à Lisbonne, enrôle en ce moment pour une expédition. Des bureaux d’enrôlement secret ont été ouverts à Paris par les soins d’un personnage qui tient de fort près au gouverneur du jeune Pedro ii, et des négociations ont été entamées avec le ministère français pour libérer les navires portugais qui se trouvent à Brest, et qui ont été capturés sur don Miguel. Mais ces bâtimens sont le gage de l’indemnité fixée et due par le gouvernement portugais à la famille du malheureux Sauvinet, incarcéré et ruiné par don Miguel, et le ministre qui livrerait ce gage sans qu’il ait été libéré s’exposerait aux conséquences d’une grave responsabilité devant les chambres et devant l’opinion. À cette époque de pots-de-vin et de marchés, le ministère ne saurait être trop circonspect dans les démarches de ce genre qu’il sera tenté de faire.

On s’occupe encore de l’embarquement mystérieux qui s’est effectué à Brest, et sur lequel le ministère sera bien forcé de s’expliquer. On assure que cet embarquement forcé de trois personnages inconnus ne se rattache pas à une affaire politique, mais à une intrigue du château. On dit en outre que le principal personnage, celui qui a fait le plus de résistance au moment de l’embarquement, n’est pas une femme, comme on l’avait cru, mais un homme, un homme très obscur d’ailleurs, qui aurait porté ses vues trop haut, et qu’on a jugé à propos de punir à la manière de Louis xiv