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REVUE. — CHRONIQUE.

différence générale, que cette passion de recherches inutiles, nous le pensons, que ces rigueurs d’un autre temps, que ces arrestations, ces incarcérations légèrement ordonnées, plus légèrement révoquées, que ce luxe de police, ce faste d’arbitraire, dont le corps aristocratique couvre la France au nom de l’ordre et de la liberté. Quoi ! plusieurs milliers d’individus languissent dans les prisons, les uns depuis plusieurs mois, les autres depuis plusieurs semaines, un grand nombre sans avoir été interrogés, d’autres sous le poids de simples préventions, et cela dans un temps où l’esprit de calme et de tranquillité est si grand, qu’on n’a pas même assez de mouvement dans les idées pour se livrer à l’indignation que causent ces mesures. Il a fallu qu’un journal de Saint-Pétersbourg se chargeât de cette tâche. La Gazette Impériale fait remarquer que la révolution qui a éclaté dans les rues de la capitale à la mort d’Alexandre n’a pas autant encombré les prisons russes que le sont les prisons de Paris et de Lyon, par suite des affaires d’avril, et elle demande si c’est bien la peine de faire tant de bruit du régime constitutionnel et de la liberté qui produisent de tels résultats. Pour notre part, nous renonçons à répondre. Nous parlions tout-à-l’heure du parti de la restauration qui était appelé à rentrer aux affaires ; mais c’est ici la restauration en masse qui tient la hache levée sur le cou de la révolution. Ce sont les divers ministères de Louis xviii et de Charles x qui jugent les fauteurs des troubles de juillet 1830, les coupables écrivains opposés à M. de Polignac, les criminels signataires de la protestation. Comment expliquer autrement la rigueur inouie du secret appliquée à M. Guinard, les horribles traitemens exercés contre tant d’autres ? Il y a peu de jours, l’avocat de M. Marrast a vainement intercédé auprès de la commission de la chambre des pairs, pour conférer avec lui sur ses intérêts privés. Une lettre de change de 2,000 fr., tirée par M. Marrast, pour ses besoins journaliers, cruellement augmentés par sa détention, a été protestée parce que la commission refusait l’autorisation de lever les scellés apposés sur une somme pareille trouvée chez M. Marrast. Je vous le demande, qu’eût fait de mieux en son temps M. Jacquinot de Pampelune ?

Au reste, quoique lentement, l’instruction se poursuit. On nous dit qu’il n’a pas été possible de rattacher les arrestations de Lunéville et de Nancy, aux affaires de Paris et de Lyon, et bien difficile de lier ces deux dernières l’une à l’autre. Il est beaucoup question d’embauchage. Il paraît certain qu’un assez grand nombre de sous-officiers de cavalerie, en garnison à Lunéville, s’étaient donné rendez-vous le soir sur une promenade, pour aviser aux moyens de faire monter à cheval le régiment sans ordres, et qu’une fille publique qui rôdait à quelques pas de là, alla dénoncer ce pro-