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IMPRESSIONS DE VOYAGES.

Le voyageur frappa une seconde fois. Trude alla ouvrir.

C’était un beau jeune homme de vingt à vingt-quatre ans, vêtu d’une veste de chasseur, ayant une gibecière et un couteau de chasse au côté, une ceinture à mettre de l’argent autour du corps, et deux pistolets dans cette ceinture ; il portait d’une main une lanterne près de s’éteindre, et de l’autre un long bâton ferré.

En apercevant cette ceinture, Kuntz et Trude échangèrent un regard rapide comme l’éclair.

— Soyez le bien-venu, dit Kuntz, et il tendit la main au voyageur. — Votre main tremble ? ajouta-t-il.

— C’est de froid, répondit celui-ci en le regardant avec une expression étrange.

À ces mots il s’assit, tira de son sac du pain, du kirchenwaser, du pâté et une poule rôtie, et offrit à ses hôtes de souper avec lui.

— Je ne mange pas de poule, dit Kuntz.

— Ni moi, dit Trude.

— Ni moi, dit le voyageur.

Et tous trois soupèrent avec le pâté seulement. Kuntz but beaucoup.

Le souper fini, Trude alla dans le cabinet voisin, étendit une botte de paille sur le plancher, et revint dire à l’étranger : Votre lit est prêt.

— Bonne nuit, dit le voyageur.

— Dormez en paix, répondit Kuntz.

Le voyageur entra dans sa chambre, en poussa la porte, et se mit à genoux pour faire sa prière…

Trude alla s’étendre sur son lit.

Kuntz laissa tomber sa tête entre ses deux mains.

Au bout d’un instant, le voyageur se releva, détacha sa ceinture, dont il se fit un traversin, et accrocha ses habits à un clou. Le clou était mal scellé ; il tomba, entraînant les habits qu’il devait soutenir.

Le voyageur essaya de le fixer de nouveau dans la muraille en frappant dessus avec son poing. L’ébranlement causé par cette tentative fit tomber un objet suspendu de l’autre côté de la cloison. Kuntz tressaillit, chercha craintivement des yeux l’objet dont la chute venait de le tirer de sa rêverie. C’était le couteau deux fois