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J’aurais tort pourtant de disséquer ainsi le catalogue de livres, si je ne devais en même temps faire remarquer les grands noms qui s’y trouvent, et les ouvrages importans qu’il annonce. Le caractère de la nation allemande est trop grave et trop consciencieux, son ame trop généreuse et trop poétique pour se perdre tout entière dans de vaines entreprises. La haute science, la haute littérature, occupent toujours une grande place dans la vie de ce peuple dévoué aux études sérieuses ; et après avoir parcouru avec ennui tant d’articles insignifians, il suffit qu’un nom tombe sous nos yeux pour nous rappeler tout ce que nous devons déjà à l’Allemagne.

Parmi les ouvrages qui se trouvent inscrits sur le catalogue de cette foire, je citerai entre autres : La Grammaire critique du sanscrit de Bopp ; les Œuvres posthumes de Fichte, 3 vol. ; les tomes 54 et 55 des Œuvres complètes de Goethe ; la savante Histoire de l’empire des Ottomans, de M. de Hammer, 10 vol. ; le 1er vol. des Œuvres complètes de M. Krug, le professeur de philosophie ; l’Histoire d’Europe depuis la fin du XVe siècle, tomes 3 et 4, de M. de Raümer ; la 2e édition de l’Histoire du droit romain au moyen-âge, par M. de Savigny ; l’Histoire de l’ame, par le professeur Schubert, de Munich ; l’Histoire des Allemands, de M. Menzell, qu’on traduit en français à Paris ; l’Histoire d’Autriche, de M. le comte de Mailath ; et un ouvrage dont on s’est déjà occupé en France, mais peut-être pas encore autant qu’il le méritait : ce sont les lettres de Mme de Varnhagen, recueillies après sa mort, et publiées sous le titre de Rahel ; puis, la 7e édition des poésies d’Uhland ; le Recueil long-temps désiré de Rückert ; les Voix du temps, de M. Stieglitz ; parmi les romans, ceux de Beckstein, Munch, Scheffer, Spindler, Tieck, et quelques pièces de théâtre de Raupach et Zedlitz.


    Un volume in-8o de M. V. Hugo arrive à Bruxelles par la poste. Le libraire le reçoit à huit heures du matin, le distribue aux ouvriers ; dans la journée même, il est composé, corrigé et mis sous presse. Le lendemain on le distribue, et cinq jours après il arrive avec le courrier à Leipzig, avant qu’aucun exemplaire de l’édition originale pût y être parvenu.

    Qu’on juge d’après cela du tort énorme que peut faire à la librairie française l’industrie des pirates belges. Si le gouvernement français s’inquiétait tant soit peu de cette branche si importante de notre commerce, lui qui a donné un roi et une existence politique à la Belgique, ne pourrait-il pas lui imposer le respect de la propriété la plus sacrée peut-être, celle de l’écrivain pauvre et laborieux ? Pourquoi un traité de commerce, qui s’étendrait à la Belgique et aux divers états de l’Allemagne, ne mettrait-il un terme à ce vol de grand chemin ?