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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

le voisinage de l’art de Louis xiii et de l’art de François Ier ; mais la médaille de M. Barre n’a rien à craindre de cette chicane secondaire. Il a osé, il a pu faire ce que personne encore n’avait tenté dans la gravure sur acier. Je ne doute pas que dans une seconde épreuve du même genre il n’arrive à concilier la sévérité historique des ornemens avec l’étude patiente et vraie du modèle humain.


Si, de cette rapide analyse des principaux ouvrages envoyés au Louvre cette année, nous essayons de nous élever aux idées générales qui dominent l’art français, ou plutôt qui se le partagent et le démembrent, voici ce que nous trouverons au bout de nos études. Trois principes bien distincts sont en présence dans l’école française : la Rénovation, la Conciliation et l’Invention ; c’est-à-dire que les esprits se divisent en trois camps séparés : l’un, qui veille nuit et jour pour reconquérir la pureté idéale des maîtres du xive siècle de l’Italie ; l’autre, qui hésite entre le présent et le passé, et voudrait réconcilier toutes les écoles de l’Europe dans une manière sobre et inoffensive ; le troisième enfin, qui prend le passé pour ce qu’il vaut, pour un enseignement, et qui veut le continuer en fondant lui-même un avenir nouveau. Le chef du premier camp, c’est M. Ingres ; le chef du second, c’est M. Delaroche ; le commandement du troisième se partage glorieusement entre MM. Delacroix, Decamps et Paul Huet.

Dans la statuaire, les mêmes principes sont formulés en termes à peu près pareils, par MM. Cortot, Pradier, David et Barye. M. Cortot veut la rénovation de la statuaire romaine comme M. Ingres la rénovation de Raphaël ; M. Pradier veut la conciliation de l’art grec et des études modernes, comme M. Paul Delaroche espère l’alliance et l’union des maîtres illustres, quels qu’ils soient, et de la nature qu’il essaie de copier ; enfin, MM. David et Barye, chacun dans une voie personnelle, opposent l’innovation à la rénovation, comme MM. Delacroix et Decamps. La question pittoresque et sculpturale ainsi posée, l’équation du problème historique étant formulée en ces termes, l’inconnue ne me semble pas difficile à dégager. Il n’y a pas besoin de faire subir aux données primitives des transformations bien nombreuses pour arriver à montrer que