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ont moins de rondeur que le marbre. Et puis le ciseau ne doit jamais oublier qu’il faut regagner en souplesse ce qu’on perd en transparence. Pour Mme Tastu, la faute est plus grave encore. Le modèle est riche et le marbre est pauvre. La courbe des orbites, si pure et si grande dans la nature, ne se comprend plus dans le marbre ; et pourquoi ? parce que l’artiste a choisi le regard dans un moment malheureux. Au lieu de prendre le champ de l’œil au moment où la paupière, repliée sur elle-même, disparaît presque entièrement pour ne plus laisser apercevoir qu’une ligne mince et diaphane, il a choisi l’instant où la paupière, à demi abaissée sur le globe de l’œil, n’a ni la grâce du regard ni la beauté du sommeil. Cet accident, en diminuant les proportions de l’œil, ôte à l’orbite sa majesté primitive. Les lèvres sont pincées comme dans un mouvement d’impatience ; le nez semble amaigri sous la douleur. Ceci est une grande leçon pour les portraitistes. Il y a des heures nombreuses où les modèles les plus heureux ne se ressemblent pas à eux-mêmes ; à ces heures-là il ne faut pas regarder la nature si on veut la copier.

Il y a pourtant dans ces deux bustes une harmonie assez remarquable. Les cheveux de Mme Tastu sont étudiés dans un bon principe, mais ne sont pas amenés à la légèreté qu’ils devraient avoir. Il est visible que M. Etex, enhardi par le succès de son Caïn dont on a fort exagéré le mérite, se fie à lui-même avec une complaisance trop crédule. Il fera bien, s’il veut grandir, de ne consulter que des indifférens ou des ennemis ; autrement la flatterie fera de lui ce qu’elle a déjà fait de tant d’autres, elle le fera rétrograder.

Une médaille gravée de M. Barre, représentant d’un côté le roi et la reine et sur le revers le reste de la famille royale, signale dans l’auteur le désir courageux de lutter avec l’art florentin de la renaissance. Il a voulu graver dans l’acier ce que Cellini et ses élèves repoussaient dans une lame d’argent. La tentative était laborieuse ; mais il y a dans le travail de M. Barre autre chose que la difficulté vaincue. Les figures d’ornement sont légères et charnues, alliance bien rare de deux qualités distinctes ; les ressemblances sont fines, les médaillons sont bien encadrés. Une critique scrupuleuse pourrait peut-être découvrir dans les ornemens quelques détails dont l’origine ne remonte pas à une date commune, et signaler sur le bronze