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serait pas une raison pour traduire sur la pierre ce qui conviendrait à la toile.

Les bronzes envoyés par M. Barye nous ont montré sous une forme plus exquise les groupes d’animaux du salon dernier. Le bronze est décidément ce qui convient le mieux à la manière de cet artiste. Son beau lion de l’année dernière devrait être fondu et non pas sculpté. Il faut le dire à la honte du public, et moi-même, qui n’en puis douter, je rougis en l’avouant, il y a parmi les curieux une insouciance si profonde que j’ai entendu confondre avec les admirables ouvrages de Barye des masses sans forme, sans lignes, sans individualité devinable, signées du nom de M. Fratin. C’est bien la peine, n’est-ce pas, d’être un artiste du premier ordre pour se voir ravaler au même rang que les praticiens les plus maladroits ! Soyez donc Corneille, pour être appelé Mairet ; soyez Landseer ou Barye, pour être appelé Fratin.

Je dois louer un jeune berger de M. Maindron. Le torse est modelé naïvement, la tête est bonne ; les cheveux sont bien traités ; l’attitude est vraie ; les épaules et le dos ne sont pas aussi soutenus que la poitrine. Le chien ne vaut pas l’enfant, mais c’est un bon début.

L’Ulysse de M. Auguste Barre s’est amélioré dans le marbre. Le modèle en plâtre de son David est une étude faite avec soin, mais ce n’est qu’une étude. C’est la réalité assez bien copiée, mais qui semble attendre que l’art la transforme et l’épure pour l’élever jusqu’à lui. Si plus tard l’invention et la pensée viennent en aide à la main déjà très habile de l’auteur, nous aurons peut-être de lui des ouvrages remarquables. Aujourd’hui il n’a encore amassé que des matériaux pour un avenir inconnu.

J’aurais voulu parler avec détail du fronton de la Madelaine, de M. Lemaire. J’aurais voulu montrer tout ce qu’il y a de mesquin, de laborieux et d’impuissant dans cette composition marquetée, qui procède de tout excepté de la pensée, qui n’est ni païenne ni catholique, et qui occupe aujourd’hui sans la remplir la plus belle place qu’un statuaire puisse espérer pour son œuvre. Mais je répugne à l’analyse d’un bas-relief où les figures ne sont pour la plupart que des souvenirs maladroits et tronqués de morceaux connus. Quand la pluie et la brume auront noirci la pierre, la gloire