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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

c’est presque un ciel d’Orient. Mais, par malheur, il y a dans cette toile deux parties bien distinctes, qui ne sont pas reliées ensemble ; c’est de la bonne peinture, ce n’est pas un bon tableau.

Il y a sur la Vue du château d’Eu d’autres critiques à faire, mais très différentes. Il n’y a rien à blâmer dans l’arrangement linéaire, rien à reprendre dans la succession des masses. La gamme générale des tons est bonne, mais l’ensemble de la toile est privé de relief et de solidité. Il manque à l’achèvement de cette composition une qualité qui se devine mieux encore qu’elle ne se définit : la précision uniformément dégradée de toutes les parties, qui met chaque chose à sa place et à son plan, et ne permet pas à l’œil de s’égarer long-temps avant de se fixer.

La Vue des environs de Honfleur ne mérite aucun de ces reproches. C’est une composition d’un style très arrêté, très pur, très clair et très harmonieux. J’ai retrouvé dans cette toile toute l’invention et toute la naïveté que M. Huet avait précédemment montrées en 1831 dans son Effet de soir, en 1833 dans son paysage composé ; mais ces qualités sont ici unies par une plus étroite alliance. La poésie se marie à la réalité, l’une et l’autre se soutiennent mutuellement, et l’on n’a pas à regretter, comme dans les deux toiles des années précédentes, le sacrifice de plusieurs parties importantes de l’exécution à l’effet général du tableau.

Les rochers et les terrains à gauche sont d’un relief admirable. La grève qu’on aperçoit sous les flots amincis est d’une couleur heureusement saisie. Le ciel est noir et chargé sans être lourd. Ici ce n’est pas seulement de la bonne peinture, c’est un excellent tableau.

Les eaux-fortes du même auteur rivalisent de transparence et de légèreté, de grandeur et de souplesse avec les meilleurs ouvrages de l’école flamande. La gravure ainsi comprise est une véritable peinture, tant elle est vivante et animée. Il y a dans les quatre planches que nous avons au Louvre plusieurs mérites variés qui n’appartiennent qu’aux maîtres. L’écorce, les branches et le feuillage des arbres sont touchés avec une simplicité savante. La toiture des chaumières est si doucement estompée qu’on a peine à comprendre comment l’eau-forte a pu atteindre à ce résultat. Il est fort à souhaiter que M. Huet traduise lui-même de cette manière quelques-uns de ses tableaux.