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remplie ? Il a mis au carreau, sur une toile de dix pieds, une aquarelle qui aurait eu bonne grace dans un album, et qui, j’en suis sûr, aurait fait les délices d’un salon ; il a espéré que la coquetterie chatoyante de son pinceau, son habileté à traiter les étoffes, le dispenseraient, même dans un cadre aussi vaste, du choix des lignes, de la logique du dessin, et de l’achèvement individuel des morceaux. Toutes les qualités, en effet, qu’il a montrées dans ses improvisations quotidiennes se retrouvent au même degré dans sa Diane de Turgis. Mais ces qualités, très suffisantes pour la destination qu’elles avaient d’abord reçue, sont loin de convenir au nouveau dessin de M. Camille Roqueplan. La robe est d’une couleur éclatante, la croisée est bien faite, le vêtement de Bernard est d’un ton heureux ; mais où sont les membres de Diane ? Est-il possible de les deviner sous les plis de l’étoffe ? Comment justifier le geste et l’attitude de Bernard ? Et les têtes ! Comment retrouver dans le masque de l’amoureux huguenot les élémens les plus indispensables qui servent à la construction du visage ? C’est une indication, une ébauche, qui, sur une feuille de papier, amuserait dix minutes, et témoignerait d’une remarquable facilité. Mais ici il s’agissait d’autre chose. Pour aborder la grande peinture, il faut accepter sans réserve toutes les conditions, toutes les exigences de cet art nouveau qui n’a rien à faire avec les esquisses et les croquis. Il faut dessiner sérieusement tous les contours, ménager avec une avarice vigilante les reflets et les ombres qui pourraient éteindre ou exagérer la forme des acteurs. Or, de toutes ces conditions si impérieuses et si évidentes, M. Roqueplan ne s’est guère soucié. Son tableau ne soutient pas l’analyse ; il ne peut être estimé quelque peu qu’avec une lorgnette retournée. Ramené ainsi à ses dimensions primitives, à celles qu’il n’aurait jamais dû dépasser, c’est une vignette qui, confiée au burin d’un habile graveur, pourrait illustrer le livre de Mérimée, mais serait fort au-dessous des Smirke et des Johannot pour l’énergie et l’accent des personnages.

Son Antiquaire est peut-être ce qu’il a jamais fait de mieux dans les limites de sa manière. Les marmots ne sont pas d’un dessin très arrêté, mais sont bien à leur place. La gouvernante est un peu lourde ; mais elle n’a pas grande importance. La gracilité maladive du visage de l’antiquaire est peut-être exagérée ; mais la robe de