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nommé Stanley. Le grade de cet officier public est nominalement inférieur : mais c’est toujours lui qui est en réalité ministre responsable des affaires d’Irlande. Le vice-roi, ou lieutenant du royaume, appartient toujours à l’une des classes les plus élevées de la noblesse ; c’est un symbole du pouvoir royal : il est chargé de représenter le roi avec la dignité et les honneurs dus au chef de l’état.

Stanley, dont nous venons d’entretenir le lecteur, se montra l’un des plus redoutables adversaires que Daniel O’Connell eût jamais rencontrés. Doué d’une inébranlable fermeté de caractère, de talens supérieurs en fait d’administration, d’une facilité extrême dans les discussions et les débats, où il portait encore une dialectique serrée et une grande finesse, Stanley était un des membres les plus influens de la chambre des communes : malheureusement ses manières empreintes d’orgueil et de fierté et sa fougue naturelle diminuèrent la popularité dont il aurait pu si largement disposer. O’Connell avait souvent éprouvé dans le parlement l’atteinte de ses amers sarcasmes ; aussi avec quelle ardeur désirait-il se venger « de ce barbier des pauvres, » comme il l’appelait[1] !

La première assemblée que Daniel O’Connell convoqua fut celle des Métiers de Dublin, corps tumultueux et catholique. « Je suis homme de métier, dit quelque part Daniel, et mon métier, c’est l’agitation. » Cette assemblée fut bientôt dissoute par une proclamation. Dans le même temps on anéantit une multitude d’autres associations : — l’anti-Union, — l’association pour la prévention des réunions illégales, — les Déjeuners politiques, — les Clubs électoraux, etc. ; toutes ces assemblées avaient pour but d’échapper à certaines prescriptions de la loi et de faire revivre l’union catholique. Tour à tour défenseur de chacune d’elles, O’Connell fut toujours forcé de plier devant l’inexorable lieutenant du roi, qu’une ordonnance de 1829 avait investi de pouvoirs extraordi-

  1. Les barbiers irlandais, pour donner à leurs jeunes apprentis l’expérience de leur état et pour leur former la main, leur confient le menton des pauvres et des mendians, que ces apprentis rasent gratis. O’Connell prétend, assez spirituellement d’ailleurs, que le gouvernement anglais sacrifie à la même expérience l’Irlande et les irlandais, et que tous ses apprentis hommes d’état, tous ses apprentis ministres ne passent le détroit et ne viennent administrer l’Irlande que pour se former la main. (Note du traducteur.)