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tellement dès son début parlementaire, que tous les partis se réunirent pour l’accabler et mettre un terme, s’il était possible, à ses excès et à ses calomnies. Tous ceux qui pouvaient articuler contre lui quelque grief, se levèrent l’un après l’autre, prouvèrent qu’il avait blessé la vérité et la justice et furent accueillis par les bravos de la chambre. Il lui fallut subir les reproches successifs de Dawson, de Hardinge, de Shaw, de Littleton, de lord Althorp, de plusieurs autres, et les acclamations méprisantes de leurs confrères. Sa réponse fut faible et peu concluante, comme il lui arrive toujours quand on l’attaque vigoureusement et qu’on le serre de près. Il en appela au peuple d’Irlande et se représenta comme victime, comme foulé aux pieds et insulté, parce qu’il revendiquait les droits et les privilèges de sa patrie.

« Si je mérite les huées de cette chambre, ou d’une partie de cette chambre, s’écria-t-il, comme attaché à mon pays par un inébranlable attachement, comme frappant d’un inaltérable mépris ceux qui l’oppriment, comme voyant avec un incurable dégoût les alliés et les amis de ces oppresseurs : ces huées, je les mérite, je les accepte. Cet attachement, ce mépris, ce dégoût sont gravés dans mon cœur ! »

Pour la première fois le parlement d’Angleterre fut témoin d’une scène qui rappelait la Convention nationale de France et ses étranges séances, lorsque toute la verve, toute l’éloquence, toute la colère de la majorité se soulevaient et s’armaient pour écraser et pour abattre un ou deux jacobins sans nom et sans consistance, destinés plus tard à écraser à leur tour ceux dont le talent les avait humiliés. Si l’on pouvait comparer à cette bête féroce sous figure humaine que l’on appelle Marat l’homme distingué, le chef audacieux qui s’est emparé du mouvement catholique irlandais, on se souviendrait malgré soi de cette séance du 25 septembre 1792, où le médecin de Neuchâtel, assailli de toutes parts, accablé du poids de l’indignation et du mépris de ses collègues, osa braver leurs attaques furieuses, et invoquer la vengeance populaire contre les législateurs qui l’entouraient.

Toujours roi du parti catholique irlandais, O’Connell voyait décroître son crédit dans la chambre des communes, lorsqu’une circon-