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groupe. Chaque individu devra concourir de toutes ses forces à la suppression des sociétés illégales, au maintien de la paix, à prévenir les crimes, à la perception des revenus catholiques, et à tous les actes que la religion et la moralité avouent. »

Tel est le voile honnête et transparent sous lequel le grand agitateur déguisait ses desseins, et l’association catholique, si terrible pour le gouvernement. Son fertile génie, après avoir remué dans tous les sens et irrité de toutes les manières la masse irlandaise, imagina en 1828 un nouveau levier d’agitation ; il représentait alors tous les catholiques d’Irlande, ou plutôt les catholiques n’étaient que les instrumens de son ambition, les créatures de sa politique. La loi qui défendait aux catholiques de siéger dans la chambre des communes, ne défendait pas aux électeurs de choisir un catholique. M. Vesey Fitz-Gerald, membre du parlement, venait d’échanger son siége des communes contre une place administrative. Il voulut être réélu et retourna en Irlande. O’Connell se présenta comme son rival ; déjà, en 1825, les électeurs payant quarante schellings d’impôt, et qui depuis long-temps, conduits à la baguette par leurs seigneurs, n’avaient voté que selon le caprice ou la volonté de ces derniers, avaient osé s’émanciper et donner un vote dicté par leurs prêtres. À l’élection de Clare, le pouvoir du parti catholique se déploya dans toute son énergie : d’une part le clergé et le peuple, de l’autre l’aristocratie et l’opulence ; ce fut le signal d’une remarquable lutte. Tous les curés, tous les vicaires se transformèrent en démagogues effrénés : chaque sacristie fut un foyer de conspiration, chaque autel une tribune populaire. Le paysan irlandais qui aurait voté contre O’Connell aurait cru s’exposer à la vengeance divine, à la damnation éternelle et à la fureur de ses compatriotes. Un seul prêtre osa soutenir la cause de Fitz-Gerald ; il fut dénoncé par l’association et déposé par son évêque. On exerça contre les propriétaires et les seigneurs la même tyrannie qu’ils avaient exercée autrefois. Le despotisme de la masse ignorante remplaça le despotisme de l’oligarchie. Fitz-Gerald se retira après quelques jours de lutte, et O’Connell fut élu ; mais la session allait finir. O’Connell ne put profiter de son triomphe. Se faire élire membre d’un parlement, d’où le texte de la loi vous repousse, c’était, pour le vulgaire, une singulière et extrava-