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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

composition. L’ensemble du tableau n’a rien de clair ni de saisissant ; les lignes perspectives de la plaine qui voudraient exprimer la désolation et l’immensité sont mal arrêtées, difficiles à comprendre, et fatiguent l’œil sans émouvoir la pensée. Les groupes de cavaliers suisses et bourguignons sont plutôt disséminés que désordonnés, si bien que le duc de Bourgogne, placé à gauche sur le premier plan, qui devrait être l’épisode important de la bataille, semble un hasard de plus ajouté à tous les hasards confus qui couvrent la toile sans la remplir. La distribution des masses de couleur est généralement heureuse, mais la ligne des figures se brise capricieusement sans réussir à donner au tableau cette variété harmonieuse et une, sans laquelle il ne peut y avoir d’impression pittoresque vraiment grande.

Après ces critiques très sérieuses, je dois reconnaître dans la Bataille de Nancy plusieurs morceaux d’un mérite remarquable. Il y a dans les masses de droite plusieurs figures d’une vigueur et d’une hardiesse très louable. L’attitude furieuse et désespérée de Charles de Bourgogne est très bien inventée et très énergiquement rendue.

Mais le défaut capital de cette toile, c’est que les terrains, la neige, le ciel et les figures sont fatigués à l’excès sans être amenés à une exécution définitive et satisfaisante. Évidemment ce tableau a été trop souvent quitté, repris, oublié de nouveau et repris enfin quand l’auteur n’avait plus goût à sa besogne. Non-seulement l’œil et la pensée du spectateur regrettent l’unité linéaire et poétique, mais encore, après un examen attentif, on vient à regretter jusqu’à l’unité de ton, jusqu’à l’unité de pâte. Il est visible que dans le cours de cette œuvre, commencée il y a cinq ans, la manière du peintre a changé plusieurs fois, et que ces fréquentes contradictions n’ont pu se réconcilier dans un dernier travail.

L’Intérieur d’un couvent à Madrid, en ce qui concerne l’architecture, est d’une gamme bien choisie. Le ton des pierres et le détail des croisées sont d’une grande finesse. Les figures sont bien disposées, mais ne sont pas d’une exécution aussi avancée que l’église elle-même, ce qui est fâcheux ; en outre, elles sont placées trop bas sur la toile et disparaissent presque entièrement dans l’immense vaisseau de l’église. Je ne crois pas m’abuser en expli-