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sence. Je m’y rendis aussitôt en grand costume, accompagné de mon interprète, et quelques instans après, le régent qui avait administré l’état pendant l’interrègne, se leva et fit le discours suivant que j’écrivais à mesure qu’on me le traduisait :


« Chefs mes frères,


« Nous sommes réunis ici pour exercer un noble privilège et remplir un important devoir ; nous avons à élire un nouveau roi, le deuil pour celui qui n’est plus expirant aujourd’hui même.

« Notre roi est disparu du milieu de nous ; nos yeux le cherchent sur toute cette terre, et nulle part ils ne l’aperçoivent ! Nos voix l’appellent en tous lieux, et aucune voix ne répond à la nôtre.

« Nous sommes comme des enfans qui n’ont plus de père, comme une famille qui n’a plus de chef.

« Qui choisirons-nous pour occuper la place de notre vénérable roi ? Quel homme pourra dignement marcher sur les traces de celui qui suivit toujours le sentier de la droiture, de celui dont toutes les paroles étaient les paroles de la sagesse, et de la bouche duquel procédait toute justice et toute équité ?

« Qui choisirons-nous, dis-je, pour remplacer le chef que nous avons perdu, si ce n’est son fils, celui qui a été formé par ses conseils et qui se gouvernera par ses exemples ?

« Vous connaissez tous l’homme que je vous propose, vous savez qu’il ne vous fera pas rougir de votre choix, et que ses actions seront toujours conformes à ce que l’on doit attendre du roi des Boulams. Vous savez qu’il découragera le vice, encouragera la vertu, et rendra la justice à tous. Je propose en conséquence que cet homme, que John Macaulay Wilson soit élu roi des Boulams. »


« Ce discours, comme je l’ai dit, m’était traduit phrase à phrase par l’interprète, et je l’écrivais à mesure. Pour mieux m’assurer d’ailleurs de la fidélité de la traduction, je la relus plus tard à l’orateur lui-même, et il fut surpris de l’exactitude avec laquelle tout ce qui avait été dit se trouvait rendu. Cet orateur se nommait Naïn Banna. Il était fort âgé et jouissait d’une extrême considération dans le pays ; c’était à lui qu’appartenait de droit, à la mort du roi, le gouvernement du pays pendant l’interrègne ou période de deuil ; mais par cela même il était inhabile à être élu.

« Après quelques discours et conversations des chefs dont le principal objet était l’éloge du feu roi, on m’annonça solennellement que John