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ÉTUDES DE L’ANTIQUITÉ.

de jugement par laquelle le pauvre et le riche, que le sort élisait juges, décidaient des grandes affaires comme des petites.

La faction aristocratique voudra s’élever contre toutes ces réformes ; mais comme elle est aussi stupide et lâche qu’envieuse et malveillante, César pourra l’écraser. Que dire d’un Bibulus dont la langue ne peut se délier, et dont le consulat a fait briller l’imbécillité ? Caton n’est pas à dédaigner, mais les autres nobles de la faction ressemblent par leur inertie à des statues qui n’ont qu’un nom et pas d’ame. Il faut arracher à ces nobles incapables de travail, de guerre et d’administration, l’empire du sénat.

Le sénat est l’âme de la république dont le peuple est le corps ; pour le régénérer et le raffermir, il faut l’augmenter et introduire l’usage de donner les voix par écrit : Si numero auctus per tabellam sententiam feret. Le nombre et le secret anéantiront la faction oligarchique.

Quant à la quantité des nouveaux sénateurs, les emplois dont on pourra les investir, la classe dans laquelle il faudra les choisir, ces détails viendront plus tard, et Salluste est préparé ; il n’a voulu aujourd’hui qu’offrir à César un projet général, de summa consilii ; il a voulu conjurer le vainqueur des Gaules de sauver l’état des désordres qui le déchirent et des vieilles institutions qui l’empêchent de vivre.

Après avoir écrit cette lettre, Salluste alla joindre César dans son camp ; on présume qu’il le suivit en Espagne et revint avec lui à Rome en 706 : il fut appuyé par César dans la poursuite de la questure, et rentra au sénat deux ans après en avoir été banni. Il exerçait cette charge pendant que César en Égypte établissait sa victoire et sa domination ; il lui adressa une seconde lettre qui le trouva dans Alexandrie. Il s’y montre aussi pénétrant et plus modéré que dans la première ; il affermit César dans ses desseins de clémence ; il lui recommande d’extirper la licence du luxe, des rapines et des usures ; il le conjure de ramener le peuple au travail et la jeunesse au goût de l’honneur et de la gloire. Il y a dans cette lettre quelques mots d’une justesse précieuse sur Pompée : Homine claro, magnis opibus, avido potentiœ, majore fortuna quam sapientia ; de la célébrité, des richesses, du crédit, l’envie de dominer, plus de bonheur que de talent.