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courage ; il y a le sentiment du bonheur qui approche, la conscience du ciel qui s’ouvre. La draperie est savamment disposée ; le mouvement des bras serait peut-être plus beau, s’il avait moins d’ampleur. La tête d’Héraclius est d’un beau caractère ; son bras est d’une saillie surprenante. La femme placée à gauche, qui serre son enfant dans ses bras, ne me semble pas assez simple. Un enfant placé à droite, qui ramasse des pierres pour lapider le chrétien rebelle, est d’un mouvement heureux. La foule qui encombre la place est pressée sans être tumultueuse ; cette circonstance se concilie très bien avec l’étonnement du spectacle. Quant à la mère qui du haut des remparts encourage son fils à souffrir pour la foi nouvelle, elle me semble mériter deux reproches assez graves. En premier lieu, son geste manque de calme et de sérénité. L’exaltation religieuse ne suffit pas à expliquer la vigueur toute virile de son attitude ; et puis, placée comme elle l’est, les regards de son fils ne peuvent plus l’atteindre.

Il y a donc dans le Martyre de Symphorien un mélange inégal de qualités et de défauts que l’analyse peut découvrir et proclamer, comme dans toutes les œuvres humaines. À ne prendre que les morceaux individuels, les qualités dominent les défauts ; mais ces qualités ne sont pas celles que l’auteur a cherchées : l’idéale pureté des lignes et des contours est le plus souvent absente ; et, quand bien même il aurait atteint le but qu’il se propose, quand il aurait renouvelé Raphaël, moins sa rapide fécondité, y a-t-il dans le passé un homme, si grand qu’il soit, qui doive servir de type et de moule au présent ? Faut-il recommencer Raphaël plutôt que Paul Véronèse ? Les maîtres de Rome et de Venise ne sont-ils pas venus en leur temps, et s’ils revenaient parmi nous, n’auraient-ils pas autre chose à faire que ce qu’ils ont fait.


La Jane Gray de M. Paul Delaroche, sans être, comme on le prétend, un progrès réel dans sa manière, résume littéralement toutes les qualités incontestables et tous les défauts non moins évidens qu’il a révélés jusqu’ici. La peinture des morceaux est moins lourde que dans le Président Duranti ; la pantomime est plus intelligible que dans le Cromwell ; la couleur est moins violette que dans les Enfans d’Édouard ; les membres de la figure principale sont