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LE SOUPER CHEZ LE COMMANDEUR.

Si toutes les splendeurs se lassaient de couver
Les mondes pleins de sève et pleins de mélodie,
Si tombait sur ta grande et belle comédie
Le rideau du néant pour ne plus se lever !

v.

Jésus, divin Jésus, sur ton œuvre en ruines
Tu nous retrouverais en notre gloire assis,
De même qu’aujourd’hui chantant in excelsis
Et de nos chapes d’or éclairant tes collines.

Si la création s’en allait toute au mal,
Nous chanterions, Jésus, pour les vierges muettes,
Et nous resplendirions pour tes sombres planètes,
Nous serions à la fois ton orgue et ton fanal.

Nous illuminerions l’obscurité nocturne,
Nous ferions retentir hosannah, gloire à toi !
Car nous avons l’amour, ô Jésus ; car la foi
Déborde de nos seins, comme un parfum de l’urne !

Car ton œuvre nous a pieusement émus,
Car la foi nous inspire et l’amour nous enivre,
Et qu’importe aujourd’hui que tu fermes ton livre ?
Nous savons tous par cœur Te Deum laudamus !

Quand tous se seront tus, et la sphère terrestre,
Et les étoiles d’or, et les divins soleils,
Nous chanterons encore, et nous serons pareils
Au grand musicien qui conduit son orchestre,

Et se laisse entraîner par l’inspiration,
De sorte qu’une fois que la voix s’est éteinte,
Lorsque chaque instrument ayant jeté sa plainte
Repose dans un coin sans animation ;

Lorsque tout est fini, lorsque la salle est vide,
Et que pour en tirer de sourds frémissemens,
Le vent vole et bourdonne autour des instrumens,
Ainsi qu’en un buisson fait une abeille avide ;