Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 2.djvu/526

Cette page a été validée par deux contributeurs.
520
REVUE DES DEUX MONDES.


iv.

Céleste Jésus-Christ, divin transfiguré,
Regarde notre fille ; et si jamais les anges,
Fatigués d’entonner ta gloire et tes louanges,
Suspendaient un instant leur cantique sacré ;

S’ils n’alimentaient plus du souffle de leur bouche
Le sonore clairon qui réveille les morts,
Si l’homme s’endormait dans la chair de son corps,
Si le vaste océan se taisait dans sa couche,

Et comme un vieil avare en son or accroupi,
Se mettait à compter ses richesses profondes ;
Si rien ne chantait plus ta gloire, ni les ondes,
Ni l’étoile du ciel, ni la fleur, ni l’épi ;

Si le divin soleil éteignait sa lumière,
Si la lune le soir n’éclairait plus les flots ;
Si croulait l’univers, si le triste chaos
Reprenait pour toujours sa nudité première ;

Si tout à coup cessaient les voix de l’océan,
Des fleuves, des moissons, et de la cathédrale ;
Si tu n’entendais plus dans le ciel que le râle
D’un monde qui se tord sous la main du néant ;

Si partout s’étendait la nuit stérile et sombre
Où les saintes splendeurs entonnent leur concert ;
Ô divin Jésus-Christ, si dans le ciel désert
Il te fallait marcher à tâtons et dans l’ombre ;

Si croissaient de nouveau les pâles oliviers
Témoins de tes douleurs, Jésus, et de tes plaintes ;
Si les débris aigus des étoiles éteintes
Te déchiraient la plante ainsi que des graviers ;

Si ton verbe divin, ta céleste parole,
Ô Christ, dans leur orbite éclatant et vermeil
Ne faisait plus vibrer les rayons du soleil,
De même que l’archet les cordes d’une viole ;