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REVUE DES DEUX MONDES.


ii.

Science ! herbe qui croît sur les plus hauts sommets
Et que l’homme nourrit avec sa propre sève,
Science ! herbe qu’on sème et qui croît et s’élève,
Et puis meurt tout à coup et ne fleurit jamais.

Scientia, science, herbe étrange et touffue,
Qui naît avec le temps en l’homme qui finit,
De même que la mousse en un bloc de granit,
Ou sur les yeux béans d’une pâle statue.

Et l’homme alors, penché sur ses vieux parchemins,
Se dit : Il fut un âge heureux où, sans mystère,
Les anges du Seigneur descendaient sur la terre,
Et foulaient sous leurs pieds la poudre des chemins.

Est-ce que ces beaux jours sont passés pour nous autres ?
Et d’où vient que Jésus ne nous apparaît plus
Entouré de splendeurs, de vierges et d’élus,
Comme il faisait jadis au temps de ses apôtres ?

D’où vient que Jéhovah, dans le buisson de feu,
Jamais comme au prophète à nous ne se révèle ?
La génération antique et la nouvelle
Ne sont-elles donc pas tes filles, ô mon Dieu ?

Insensés ! insensés ! le Seigneur vous visite
À toute heure, à midi, le matin et le soir ;
Seulement, désormais, vous ne pourrez le voir,
Vos yeux étant couverts par l’herbe parasite.

Science, herbe sans fruits, sans feuilles et sans fleurs,
Plante qui n’as pour toi qu’une tige débile
Qui monte à sa hauteur, puis s’arrête immobile.
Qu’on l’arrose de pluie, ou de sang ou de pleurs.

Science ! elle croissait au Golgotha, cette herbe ;
Et lorsqu’avant d’entrer au divin paradis,
Tu demandas à boire, alors tous les maudits
Allèrent la cueillir par plantes et par gerbe ;