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comprendre comment il a pu, sans être taxé d’inconséquence, quitter le fauteuil de secrétaire-général de la chancellerie pour venir s’asseoir sur l’escabeau du président de la société populaire Aide-toi, le ciel t’aidera, et adresser ses circulaires électorales de 1830 à ceux qui avaient peut-être conservé les circulaires ministérielles de 1815. Mais pour le dernier mot de cette intelligence qui s’obscurcit de plus en plus en s’élevant, pour le but final qu’elle se propose, j’ai bien peur que nous ne les trouvions pas. Qui nous dira ce qu’elle veut établir après tant de mystérieux ambages ; quelle forme elle prétend imposer à la société après l’avoir enlacée de tant de doctrines ; qui nous dévoilera la devise qu’elle cache avec tant de soin ? Est-ce despotisme ou liberté ? Nous nous efforcerons cependant de la connaître, cette pensée qui se dérobe sous les plis d’un front soucieux. Nous n’y épargnerons pas nos soins, car c’est l’énigme du Sphinx : il faut la deviner sous peine d’être dévoré par celui qui la propose.

Ne croyez pas cependant, monsieur, que M. Guizot soit de sa nature un homme de violences et de coercitions, un de ces caractères inflexibles de la Convention, qui posaient hardiment la nécessité de retrancher du monde une partie du genre humain, afin d’assurer le bonheur de l’autre, et marchaient résolument, sans le moindre trouble, à l’accomplissement de leur volonté. Les théories de M. Guizot ne sont pas cruelles, non, elles ne le sont pas, et la raison en est que M. Guizot n’a pas d’enthousiasme, même pour ses théories. Dans chacune des phases politiques auxquelles il a assisté, il a cherché à créer une doctrine des intérêts qui fût applicable à la circonstance, affaiblissant, afin de le faire passer, le principe qu’il embrassait. On l’a toujours trouvé d’abord doux, conciliant, modéré, facile à composer, admettant le droit de rejet et la liberté d’examen avec toute la largeur d’esprit que donne le protestantisme le plus éclairé ; mais comme il s’irrite au travail et se passionne facilement contre l’obstacle, il devient dur, violent et emporté à mesure qu’on lui résiste, et dans son ardeur à manier le pouvoir et à le retenir, il se pourrait, comme nous l’avons déjà vu, qu’il passât, dans un jour de crise, du ton persuasif de Luther à la sombre fureur de Bothwel, et qu’un de ses discours, en faveur de l’ordre et de la liberté, se terminât par une liste de pros-