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À deux lieues, et à l’ouest, les deux cutters, qui s’étaient rencontrés, se livraient un combat non moins acharné que celui de leurs frégates respectives. Trente hommes et le second lieutenant, M. Le Prince, avaient été tués à bord de l’Expédition. La perte du Rambler était à peu près égale.

À une heure et demie, les deux frégates étant encore dans la position que nous venons de décrire, un terrible craquement, un bruit effrayant qui se fait entendre à bord de la Surveillante, domine un moment les explosions du canon et de la mousqueterie. Les trois mats du bâtiment français tombent à la fois ; le beaupré seul reste debout, mais avec ses gréemens en lambeaux flottant au hasard. Cependant, comme c’est du côté opposé à celui où l’on se bat qu’est tombée la mâture, le combat peut continuer, pendant qu’une portion de l’équipage français, s’élevant sur ces débris, achève avec la hache l’œuvre commencée par le boulet. Mâts, cordages et voiles sont coupés, rejetés en dehors du navire ; il apparaît nu et rasé comme un ponton. Les tronçons de ces mâts, qui tout-à-l’heure touchaient presque aux nuages, ne s’élèvent plus qu’à quelques pieds du pont. Délivrée de ce fardeau, dont le poids a été sur le point de la faire chavirer, la Surveillante reprend son équilibre ; mais à peine y est-elle arrivée, à peine l’a-t-elle repris de nouveau, qu’à son tour le Quebec voit tomber ses trois mâts. On dirait que la fortune s’est proposé de demeurer jusqu’au bout égale, impartiale entre les deux adversaires qui se trouvent aux prises. Toutefois, comme les mâts du Quebec tombent du côté opposé à ceux de la Surveillante, ils embarrassent le côté où l’on se bat. C’est au milieu de cordages, de manœuvres hachées, de poutres brisées, de voiles en lambeaux, que l’équipage anglais se trouve obligé de combattre, tout en essayant de se débarrasser de ces obstacles.

Du Couëdic comprend que ce moment peut être décisif. Il ordonne l’abordage. Ce qui reste de matelots encore debout, encore en état de manier le sabre ou l’écouvillon, est divisé en deux bandes : les uns continuent le service des pièces et de la mousqueterie ; les autres, rangés sur le pont, reçoivent la hache, le sabre et les pistolets d’abordage. Ces derniers grimpent aussitôt sur le beaupré, garnissent les saillies de l’avant du vaisseau, et n’attendent plus